
Avec son livre, Les Climats II (Japon), publié aux éditions Poursuite (2017), Lola Reboud construit un véritable objet de méditation.
La couverture d’une grande sobriété offre un astre argenté sur un fond gris-noir uni, une pupille céleste, l’objectif d’un microscope, oculus structurant l’ensemble de l’ouvrage.
En seize images , seize propositions pouvant conduire au satori, Lola Reboud donne la sensation d’un pays ayant imaginé son déploiement entre permanence et évanescence, conscience du risque et accueil de la beauté ordinaire.

La nature est ici souveraine, glacée, tempétueuse, sismique.
L’unité des ordres paraît une évidence quand les fumeroles s’échappent de la montagne, que la mer est une puissance d’écume, et que l’œil du cyclone est un chignon de femme.
Quand le tourbillon conduit l’existence, prendre de la hauteur est une pratique de mise à distance salutaire.

Tôkyô vue du ciel acquiert le calme olympien d’une carte à puce.
Les kamis s’amusent quand chacun craint le séisme qui vient, et qu’éclate en silence la fureur du volcan.
Fini et infini sont au Japon des réalités expérimentées quotidiennement, où les apparitions ne se conçoivent que dans l’acceptation de leur peu de pouvoir.

Dans L’Empire des signes (Skira, 1970), Roland Barthes écrit ainsi que « le satori (l’événement Zen) est un séisme plus ou moins fort (nullement solennel) qui fait vaciller la connaissance, le sujet : il opère un vide de parole. »
Il y a chez Lola Reboud comme une érotique de la catastrophe, la capture sensuelle d’un flottement prenant la forme de la légèreté soufrée d’un rendez-vous d’importance, quoique inconnaissable à lui-même dans sa force d’éclatement et de mise en déroute des certitudes.
La volupté des matières est le point de contact entre le visible et l’invisible.

La violence prévisible est neutre, sans intention particulière. Elle doit nuire, c’est tout, et l’on peut l’honorer comme une énergie vitale précieuse, un labeur appliqué.
Une tension se constitue entre le vide et le trop-plein, entre ce qui envahit l’espace et ce qui libère, entre ce qui désoriente et réordonne, entre le trou et le comblement.
Les cadrages créant un champ de signifiance sont, pour reprendre la pensée barthésienne, des cernes hallucinatoires, ou le théâtre de hublots d’un paquebot faisant naufrage.
Les Climats II (Japon) invente donc une carte de géographie intérieure, indiquant peut-être moins l’essence d’un pays singulier que l’universel d’un état mental.
Lola Reboud, Les Climats II (Japon), texte (anglais/français) de Mariko Tekeuchi, éditions Poursuite, 2017 – 500 exemplaires
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