
Avec le projet Azimut, les membres du collectif Tendance floue ont créé un système ouvert, un champ d’énergie, un vagabondage permettant de redécouvrir la France par ses chemins de traverse.
Par la marche, l’esprit s’est allégé, la vision s’est modifiée.
L’ordinaire de la route, prise seul(e) ou à deux, a conduit à l’extraordinaire d’un chant collectif, soit un livre, un nouveau volume d’une entreprise en promettant six : A.Z.I.M.U.T.

Cinquième carnet de route, voici la lettre U, fière comme un fer à cheval, mystérieuse comme un bâton de sourcier, terrible comme un chaudron de sorcière.
Y participent cinq invités de marque, Clémentine Schneidermann, Mouna Saboni, Guillaume Chauvin, Yann Merlin et Gabrielle Duplantier, ayant eux-mêmes proposé à Noémie Gruner, Morgan Chauvel et Charles Pennequin d’y joindre leurs talents.
Cette fois, la route commence avec Clémentine Schneidermann à Salasc, dans l’Hérault, pour rejoindre Cerbère dans les Pyrénées orientales. Les points de relais sont de choix, Béziers (Mouna Saboni), Përpignan (Guillaume Chauvin), Prades (Yann Merlin), Rivesaltes (Gabrielle Duplantier).



Clémentine Schneidermann, dont le frère est berger, excellent marcheur, alors qu’elle-même ne cessait de pigner petite à l’idée de la moindre randonnée, n’a qu’une idée en tête : quitter les vignes monotones pour le sable taché des naturistes du Cap d’Agde, avant que s’en détourner (dommage) pour le DinoPark, proclamé « île des loisirs ». Etape au camping Evasion, centre du monde civilisé. La photographe aime les fêtes foraines, la mélancolie qui s’en dégage, la culture populaire. Impression de désert et d’ennui. Il n’y a peut-être ici « pas de perdant », mais surtout beaucoup de naufragés attendant la fin du monde en tongs. Noémie Gruner, amie de voyage, fait quelques dessins, des aquarelles pour tous.
Mouna Saboni a chaud, se traîne, est en danger d’évaporation dans le paysage. Heureusement Morgan Chauvel est là pour attester de sa présence (activer le flash code inséré à la marge du texte pour écouter la musique de leur parcours). Ça brûle, ça dort mal, ça fuit les explosions solaires. Tout semble faux autour d’elle, comme une fiction jouée sans beaucoup de conviction. La photographe est-elle encore de ce monde où les chevaux ont parfois les yeux bandés pour se protéger de la force d’attraction du vide ?


Apparaît dans les brumes de chaleur Guillaume Chauvin, qui rencontre bientôt une ermite, il n’y a pas de hasard : « Selon elle, l’homme ne descend pas du singe pas du songe (Dieu). » Juif errant, le photographe possède un schibboleth, le mot « azimut », qui prononcé en boucle des dizaines de fois ouvre toutes grandes les portes de la perception.
A Rivesaltes, où Yann Merlin prend le témoin, il y eut des portes bien gardées, ou des grillages, pour contenir par l’efficace administrativo-policière les Tziganes et autres indésirables d’une de nos dernières guerres mondiales. Le poète Paul Draule (anagramme de Paul Eluard, hétéronyme du photographe) y écrit dans la nuit le mot liberté. Mais peut-il y a voir une poésie/photographie après Rivesaltes qui ne soit pas hantée par l’histoire du crime organisé ?

Tourne ici un vent tiède qui rend fou.
Gabrielle Duplantier ne rencontre personne, ou presque, mais en marchant sous le cagnard, jour 1,2… 7, des bouteilles cassées, un supermarché fermé, un chien écrasé.
La voici à Cerbère, « un nom d’Enfer ».
Autour d’elle, il y a foule.
Ce n’est en effet pas si courant de voir un corps porter sa tête sous le bras.
Son appareil lui a scié le cou.
Ça fait rire les enfants, et, par les temps qui courent, ce n’est déjà pas si mal.
AZIMUT, cinquième carnet photographique d’une série de six retraçant la route de cinq photographes dans le cadre du projet AZIMUT – avec Clémentine Schneidermann, Mouna Saboni, Guillaume Chauvin, Yann Merlin et Gabrielle Duplantier, et de leurs invités Noémi Gruner (réalisatrice), Morgan Chauvel (musicien), et Charles Pennequin (écrivain), texte Charles Pennequin et les photographes, 2018, 64 pages – 300 exemplaires numérotés
