
Après Felice Varini en 2015, Shigeko Hirakawa en 2014 et Patrick Dougherty en 2011 (liste non exhaustive), la plasticienne Eva Jospin est invitée par le Domaine de Trévarez, château de briques roses et de granit situé dans le Finistère sur les flancs des Montagnes Noires, à y exposer son travail et à y réaliser une œuvre pérenne dans le parc de 85 hectares.
Eva Jospin, qu’a pu rencontrer le grand public en 2016 à l’occasion de l’installation de son Panorama très benjaminien dans la Cour carrée du Louvre – visible de nouveau au Domaine -, invente des forêts, à la mine de plomb ou en carton, qui sont des féeries de détails et de minutie ayant nécessité la force d’un geste créateur obstiné.
Et c’est bien d’une geste dont le spectateur fait l’expérience, voyant se mettre en marche des arbres, comme Hamlet hallucinait le mouvement d’une armée de végétaux.

La beauté des œuvres d’Eva Jospin, dont rend compte une première monographie publiée par les éditions Locus Solus, provient donc d’une rencontre entre l’artifice de ses inventions de bois de carton, et leur insertion très évidente dans l’ordre de la nature, comme s’il était certain que l’artiste prolongeait à sa façon le grand concert des formes du vivant par ses architectures imaginaires.
On peut appeler cette possibilité de rêverie organiquement structurée et produite par l’innocence informée le merveilleux.

Le carton est un matériau pauvre, qui, métamorphosé à coups de cutter, révèle des ressources insoupçonnées. Richesse de l’Arte povera.
Et l’enjeu et bien ici ovidien chez une artiste aimant les nymphes et leurs antres secrets.
En béton blanc projeté, Eva Jospin invente des palais pour les divinités de la nature où l’on ne rentre qu’avec précaution, de peur de déranger l’accouplement de quelques puissances – Ada l’ardeur.
Les œuvres de la sculptrice/architecte sont des envoûtements pour les regardeurs invités à les sentir, les ressentir, les toucher peut-être, happés par ces structures d’illusion où abandonner la croyance naïve d’une distinction stricte entre rêve et réalité.
Chacun tâtonne, cherche un chemin ferme dans une forêt obscure, construit des projets, qui se révèlent, lorsqu’arrive le mitan de la vie, des propositions de théâtre, pour lesquelles Eva Jospin construit des scènes propices à la création de contes plus profonds, plus légers, que la construction des parcours concertés.
Monographie Eva Jospin, Folie, entretien d’Eva Jospin avec Judicaël Lavrador, texte critique de Guy Tortosa, éditions Locus Solus, 2018, 112 pages
Panorama, Nymphée et Ada, exposition d’Eva Jospin du 12 mai au 14 octobre 2018, au Domaine de Trévarez (Finistère)
Eva Jospin est représentée par la galerie Susanne Tarasieve (Paris)
