Un absolu de présence,  par Jean-Luc Chapin, photographe, et Jean-Marie Laclavetine, écrivain

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© Jean-Luc Chapin / Agence VU’

Ecrit au pluriel, le mot nature enchante car il échappe ainsi à toute volonté de l’hypostasier.

Multiple, insaisissable, telle est la façon dont Jean-Luc Chapin considère cette ogresse sous le mot rassurant, en un ensemble de photographies révélant des puissances de mystères, des signes, des traces, des écritures, dont rend compte un livre publié par les éditions Gallimard.

Le travail est au noir & blanc argentique, parce qu’il faut donner la chance du laboratoire, de la chimie, du tâtonnement, du temps long, aux énigmes du vivant.

La main doit prolonger l’œil qui prolonge le paysage.

La tonalité de fond de Natures est celle d’un gris de métal, celui d’un conte japonais peut-être, filmé par un maître du septième art.

Il y a les arbres, les végétaux, les formes naturelles transformées en images, mais il y a aussi les mots, les vers, les méditations de Jean-Marie Laclavetine qui les accompagnent.

Voici une raie : « Matière à rire / Le vivant appelle / Surprise du jour avec face de clown / Cuir des songes / Douceur mouillée des peaux inventées / Et sous la peau / La pierre »

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© Jean-Luc Chapin / Agence VU’

Jean-Luc Chapin aime s’entourer d’écrivains (Eric Audinet, Anne-Marie Garat, Jean Lacouture…), parce que chacun est un multiplicateur de sensations et qu’entrer véritablement en dialogue nécessite la finesse d’un langage approprié à l’objet qui convoque le regard et le verbe.

Natures est un hymne au monde premier, minéral, végétal, animal, aquatique, un champ d’énergie, un rappel de ce qui nous fonde dans un non-savoir primordial.

Dans la rivière coule une eau argentée, qu’on pourrait appeler après Pascal Quignard le Jadis.

Il y a plus ici que le souvenir d’une barque flottant chez Jean Renoir dans Une partie de campagne, il y a de l’immémorial, une impression moins intimidante que de très grande intimité.

Dans cet Eden, tout pousse, tout danse, tout surprend, comme ces fougères qu’il nous semble voir pour la première fois.

-Natures photo 4©JL Chapin.HD
© Jean-Luc Chapin / Agence VU’

Des tournesols effondrés dans la boue qui leur tient lieu de sol.

Des désolations.

Des fossilisations.

Des traces dans la glaise.

Des courants.

Des secrets.

Des oracles muets.

Ici, où l’humain est une absurdité comique, tout pourrait renaître, ou disparaître une ultime fois.

Chaque motte de terre contient la mémoire de l’humanité, elle est sacrée.

Il n’y a rien à comprendre, nous sommes trop pauvres pour cela, il y a à ressentir et tenter de s’abandonner.

Un brochet est étendu dans l’herbe, mais peut-il mourir lorsque tout est âme ?

Jean-Luc Chapin, marcheur des confins les plus proches, est à Floirac, à Etretat, près de la Dordogne ou de la Loire, dans le marais poitevin ou le bassin d’Arcachon, dans le gave d’Aspe près de Sarrance, jamais très loin d’un monastère où dans leurs prières quelques solitaires chantent depuis des siècles le monde uni.

Natures poursuit ainsi sa route dans les Pyrénées atlantiques, à la frontière de l’Espagne, prend de la hauteur, s’échappe dans un absolu de présence, disponible pour tous, comme une promesse.

NATURES 1ER PLAT EN VOLUME1.HD

Natures, photographies de Jean-Luc Chapin, textes de Jean-Marie Laclavetine, préface de Muriel Barbery, Gallimard, 2017, 168 pages – 113 illustrations

Site Gallimard

Jean-Luc Chapin est représenté par l’agence VU’

Jean-Luc Chapin

main

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