Des festins sauvages, ou la générosité critique de Frédéric Jacques Temple

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J’ai passé tout l’été à piocher dans les savoureux Divagabondages (Actes Sud, 2018) du critique, poète et romancier Frédéric Jacques Temple, livre regroupant des articles, chroniques, vignettes, notes, textes généralement courts écrits entre 1945 et 2017.

Frédéric Jacques Temple, c’est un regard généreux porté sur des artistes suivis pendant des années, un témoignage majeur sur la vie littéraire française pendant plus d’un demi-siècle.

Frédéric Jacques Temple attentif chez chacun au sentiment poétique de l’existence, ou pas, ce sont des découvertes incessantes, des présentations enthousiastes d’écrivains parfois minorés par l’air du temps (le violoniste, peintre et poète Arthur Petronio, Francesco Biamonti), des noms de géants (Henry Miller, Lawrence Durrell, Albertine Sarrazin, Lucien Clergue, Henri Thomas, Robert Marteau, Valéry Larbaud, Ernest Hemingway, Joë Bousquet), l’art de repérer des revues, souvent confidentielles, des surprises tous azimuts.

D’une curiosité sans frein, l’auteur de Beaucoup de jours (Actes Sud, 2009), ami de Joseph Delteil, est un bourlingueur de la littérature (né en 1921), animé par une volonté d’embrasser le monde à la Cendrars, et de se saouler de rencontres vraies.

Divagabondages est donc un livre bourré d’anecdotes, d’embrassades, et de titres d’œuvres à se procurer sans tarder.

Apparaissent ici les sculpteur Dardé, « le faune du Larzac », et Albert Dupin, l’écrivain André de Richaud sur son lit de mort, le conteur grec Georges Katsimbalis venu à Montpellier où réside Frédéric Jacques Temple, François Carriès le banquier-écrivain (chez Gallimard), les peintres Jean Hugo (aussi écrivain, Le regard de la mémoire) et Albert Ayme (consulter L’art contemporain en France, de Catherine Millet, Flammarion, 1987), les poètes Gaston Baissette et Armand Monjo, l’éditeur algérois Edmond Charlot, tant d’autres.

A propos de l’auteur de Printemps noir (titre de l’article), venant de mourir en 1980 à Pacific Palissades, en Californie : « Quand Henry Miller aura fait sa place exacte, il sera possible de juger sur l’essentiel. Son œuvre apparaîtra sans doute comme la quête d’une morale à la mesure de notre temps ou, si l’on préfère, une tentative humaniste de libérer l’homme, par le langage, des tabous qui le ligotent. Tabous sexuels, mais surtout tabous sociaux et spirituels. Nous avons en Europe de beaux exemples : Rabelais, Swift, Lawrence et même Rimbaud. »

Rimbaud, nom qui revient souvent dans ces dizaines de textes rassemblés, comme une façon de quitter les anciens parapets, en traversant les enfers, disons.

Frédéric Jacques Temple n’établit pas de hiérarchie, ne joue pas les statues Germain Nouveau ou Curzio Malaparte contre les plus oubliés Pierre-Alain Tâche et Gérard Le Gouic (poètes), mais construit une arche, texte après texte, pour les sensibilités vivantes, vibrantes, et les mains amies, faisant se rencontrer dans son île enchantée des chemins parallèles et parfois lointains, ce qui fait penser parfois au livre de Nino Frank, Mémoire brisée, ouvrage également de très bonne compagnie.

On n’a pas toujours la possibilité et le temps de devenir l’ami des artistes que nous admirons, de partir ensemble à la pêche à la truite, mais il est possible d’offrir en partage, par des proses vagabondes, son admiration.

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Frédéric Jacques Temple, Divagabondages, Actes Sud, 2018, 384 pages

Site Actes Sud

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Se procurer Divagabondages

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