Rendre vivante la peinture, Pierre Bonnard au jour le jour

le

Grande-salle-manger-jardin-Pierre-Bonnard-1934-1935-huile-toile_0_1400_1308

Pierre Bonnard se servait de ses agendas comme carnets de croquis, reprenant inlassablement les mêmes motifs, son épouse Marthe, les détails de son corps, son propre visage, leur chien.

Il est possible aujourd’hui de les admirer dans une belle édition pensée conjointement par L’Atelier contemporain (Strasbourg), le Musée Bonnard (Le Cannet) et la Bibliothèque nationale de France – l’ensemble choisi est homogène, allant de 1927 à 1946, ce qui correspond aux vingt dernières années de la vie du peintre, Marhe mourant le 20 janvier 1942.

Des textes parfaits les accompagnent (Céline Chicha-Castex, Alain Lévêque, Véronique Serrano), nous pouvons confortablement partir au paradis.

pierre_bonnard_femme_a_la_baignoire_d5347490g

Bonnard considérait ses dessins effectués au crayon gris comme un répertoire de formes, points d’appui de peintures qui étaient davantage des recompositions mentales que des décalques du motif observé.

On se souvient de cette formule géniale, renversant peut-être (les spécialistes me répondront) le clivage traditionnel Florence / Venise : « Le dessin, c’est la sensation. La couleur, c’est le raisonnement. »

Le corps de Marthe, c’est cinquante ans de « sensibilité désarmante de naturel », d’ « impudeur un peu farouche », un éblouissement traversant le temps.

La voici le dos penché, yeux baissés, ou flottant dans sa baignoire comme dans un cercueil de renaissance.

Pierre-Bonnard-Femme-nue-a-contre-jour-900x1080C

Bonnard la prenait aussi en photo, nue, en intérieur ou dans le jardin, elle est merveilleuse.

Un peintre et son modèle ? Non, plutôt deux créateurs associés dans une même geste modeste et folle : ne pas dépendre du temps, en faire de la peinture.

A cet égard, on remarquera l’obsession du peintre de noter dans ses agendas les conditions météorologiques du jour, comme un navigateur.

Comprenons ici que le temps extérieur vaut pour la température intérieure et qu’un flux d’énergie passe de l’un à l’autre à la surface dessinée, puis colorée.

53705efd44751

« Il ne s’agit pas, affirme Bonnard, de peintre la vie. Il s’agit de rendre vivante la peinture. »

Il y a dans ses carnets davantage de dessins de paysages (exécutés souvent lors de ses vacances) que dans ses peintures. Ils sont griffonnés, hachurés, des trois fois riens qui enchantent, des perceptions brutes, un continuum vision-main.

C’est en 1927 que la peintre emménagea dans sa maison du Bosquet, sur les hauteurs du Cannet, trouvant dans ce Midi béni des dieux son centre, son laboratoire de recherches.

2500x2500_559d1905f00c9

Il y a une fraîcheur Bonnard, qui est celle des bêtes, des truffes de chiens, de la peau transfigurée.

Il meurt en 1947 après avoir peint un amandier en fleurs.

La fête dure encore.

ss

Pierre Bonnard, Au fil des jours, Agendas 1927-1946, textes de Céline Chicha-Castex, Alain Lévêque, Véronique Serrano, L’Atelier contemporain / Musée Bonnard, Le Cannet / Bibliothèque nationale de France, 2019, 280 pages, environ 400 illustrations

003871891

Editions L’Atelier contemporain

 

Observations-sur-la-peinture

Musée Bonnard – Le Cannet

main

Se procurer Au fil des jours

Se procurer Les exigences de l’émotion

Se procurer Observations sur la peinture

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Matatoune dit :

    Merci pour cette présentation !

    J’aime

Laisser un commentaire