
L’Arcadie est un lieu difficile d’accès.
Y vivent des bergers, en harmonie avec la nature, écoutant la musique du dieu Pan, joueur de flute.
On y fait l’amour tranquillement, avec qui veut, puisqu’il n’y a pas d’instinct de propriété.


Le photographe Paul Rousteau appelle ainsi Arcadies ses images de paradis.
Ce sont des tableaux mouvants, très pixellisés, faisant songer à la peinture de Pierre Bonnard ou Claude Monet.
Un vent doux s’est levé, on est bien, parmi les nymphes et les oiseaux splendides.
Ici la mort est accueillie, qui comprend vite qu’elle n’a plus de pouvoir.
On se dévêt dans la couleur, on se caresse parmi les fleurs, il y a au loin des cris d’enfants.


Tout flotte dans la beauté de grands aplats de lumière.
Tout rêve, les iris comme les tulipes, les demoiselles prenant la pose comme les volatiles échappés des cieux multicolores.
Tout vole, les draps de noces comme les voiles de Madones.

Le bonheur est possible, un photographe amoureux de peinture vous le prouve.
Ses scènes édéniques sont un éloge du féminin, de la part de douceur en chacun, en chaque chose, en chaque être issu d’un chaos primordial réordonné simplement.
On reconnaît çà et là des univers de peintres, Kees van Dongen, Pablo Picasso, André Derain, Ingres, mais métamorphosés par la troublante puissance de couleurs imposant leur autonomie.

On laisse aussi spontanément monter les noms d’Edward Weston et Bill Brandt, dont les nus de femmes s’étirant à l’infini sont si beaux.
Dominique Janvier, dans un texte accompagnant le bel ouvrage de Paul Rousteau publié par les éditions La Pionnière, écrit « jardin des délices », écrit « éden », écrit « brassées de fleurs sauvages », écrit « jamais, jamais de noir ».
Le temps d’un livre, le temps d’un rêve éveillé, nous voici au pays des jouissances les plus fines.

Le format est grand, propice à l’abandon, il nous embrasse pleinement.
Apparaît sous un peignoir rouge le ventre rond d’une femme enceinte, les seins gorgés de lait.

Nous comprenons alors que ces si délicates Arcadies forment les songes d’un fœtus, ne percevant de l’extériorité du giron qui le protège que des picotements sonores immédiatement transformés en formes colorées.
Petit d’homme, nous attendons tout de ta venue.
Regarde, un cortège d’oiseaux te précède.
Paul Rousteau, Arcadies, texte Dominique Janvier (français/anglais), éditions La Pionnière, 2019, 64 pages – 434 exemplaires

Exposition Arcadies, La Maison du Griffon, Neuchâtel – du 6 juin au 6 juillet 2019