Des ports, des frères de misère, par Hans Zeeldieb, marin et photographe

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© Hans Zeeldieb

C’est un livre que nul n’attendait, une vraie surprise éditoriale dont la découverte fut l’un des événements importants des dernières Rencontres de la photographie d’Arles (2019).

Un « M », deux fois deux « S », deux « P », quatre « I », c’est un cri de guerre, un chant d’amour, un livre indien.

C’est 2 Mississippi de Hans Zeeldieb, soit un voyage photographique au long cours Douarnenez-Aber Wrac’h avec escales un peu partout dans le monde – Bogota, La Nouvelles Orléans, Recife…

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© Hans Zeeldieb

2 Mississippi est composé uniquement de portraits en noir et blanc.

C’est un hymne, sensuel et sans moraline, à la diversité des visages de l’humaine condition, au peuple dans sa beauté, sa rage et sa désespérance, aux enfants, aux prostituées, aux travailleurs pauvres, aux invisibles, aux vieillards, aux jeunes Madones.

« Par quels courants étranges, explique la photographe et commissaire d’exposition Marie Sordat, le destin m’apporte-t-il un jour, livré directement comme une évidente bouteille à la mer, un bon millier d’images auxquelles rien ne m’a préparée ? L’équation est pourtant simple : c’est un marin qui les a faites, il est de retour à terre et il envoie ses photographies à une connaissance. Il se questionne : ont-elles une valeur ? Sous mes yeux stupéfaits commencent à défiler des centaines de portraits. »

Hans Zeeldieb, dont on ne sait pratiquement rien, ne vole pas ses images, et regarde sans ciller, fraternellement, ses modèles de hasard, la foule des inconnus qu’il ne cesse de croiser.

 

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© Hans Zeeldieb

Mélancolie et violence sont ici perceptibles, parce que la vie est dure, cruelle, impitoyable, et qu’il faut survivre, en sortant le couteau, la machette ou le revolver s’il le faut.

Que deviendront ces enfants de l’amour, de la misère et de la contrainte ?

La vie a passé. Qu’avons-nous vraiment vécu ?

Les habitats sont trop petits ou insalubres, mais il y a la rue, cet espace premier de la démocratie.

Hans Zeeldieb aime les êtres qu’il photographie, recueillant leur apparence pour les protéger, les célébrer, les sauver un instant du néant, et se sauver lui-même de l’absurde.

Le monde est noir, et les peaux de soleil brûlant.

Le sommeil manque, l’argent manque, le désir manque.

 

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© Hans Zeeldieb

La société ne fait aucun cadeau.

Qu’ils soient d’acier ou de séduction, les corps sont vulnérables.

Il y a parfois des sourires, mais surtout beaucoup d’amertume, d’ennui, de brutalité.

A huit ans, la beauté est éclatante, quelques années à peine plus tard elle est fanée.

Hans Zeeldieb photographie compulsivement des corps, des visages, des poitrines, des ventres dénudés.

Cette rencontre de l’Autre est la raison d’être de ses pérégrinations et de son art, jusqu’au vertige.

2 Mississippi est une féerie triste et vraie.

Sergio Larrain et Martin Chambi sont des références plus qu’honorables, mais Hans Zeeldieb, travaillant à l’instinct de sa petite chambre noire, ne les connaît pas.

La culture n’est pas ici un des attributs de la domination sociale, mais un ordre de sauvagerie partagée, et de tendresse pour les vivants qui passent.

Marin-photographe, Hans Zeeldieb est l’Ulysse d’une épopée de visages témoignant de toute l’âpreté de l’existence humaine, de sa fragilité et de son miracle.

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Hans Zeeldieb, 2 Mississippi, textes de Marie Sordat & Hans Zeeldieb, traduction de Marco Ottati (anglais) & Pilar Arcila (espagnol), design de Simon Vansteenwinckel & Mathieu Van Assche, Editions Le Mulet, 2019 – 595 exemplaires

Editions Le Mulet

 

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