
Aucun folklore sétois dans le volume que l’Anglaise Vanessa Winship consacre à la ville sise entre l’étang de Thau et la mer Méditerranée, Sète #19, mais la poursuite d’une œuvre exigeante – voir les ouvrages Schwarzes Meer (2007), Sweet Nothings (2008), she dances on Jackson (2013) et And Time Folds (2018) -, se déployant aux marges de l’abstraction.
Parce que les paysages sont blessés, fragiles, et nervurés de racines profondes.

Parce que les visages et les corps viennent de plus loin qu’eux-mêmes, et que la mémoire est un astre fuyant.
Parce que les formes nous devancent, plus que nous les inventons.

En nuances de gris, Vanessa Winship découvre une ville étrange, étrangère, mystérieuse.
Il y a ici de l’indéchiffrable plus que de l’identifiable, et de l’interrogatif plus que de l’affirmatif.

Sète montre sa déréliction, le patient travail de sape du temps attaquant les murs, les surfaces et les peaux, mais aussi la présence d’une nature sauvage reprenant peu à peu ses droits sur l’orgueil de civilisation.
Poétique des mauvaises herbes et des taillis, des sables millionnaires et des coquillages échoués.

Poétique des portiques de fête foraine rouillés et des dancings fermés.
Poétique des maisons abandonnées et des rivages désolés.
Poétique des horizons mouvants et des champignons introuvables.

Travaillant aux limites de la ville, dans ces zones intermédiaires où l’humain hésite encore à bâtir de nouveaux édifices, Vanessa Winship montre la solitude des paysages et la mélancolie des vivants, demi-vivants ou ombres errantes qui, quelquefois, s’aventurent en ces limbes.
« On la sent, analyse Christian Caujolle, emprunter des sentiers, des chemins qui sont toujours sa traverse à elle, pour aller humer non seulement le vent, les embruns, l’iode, mais le paysage lui-même, dont elle sait parfaitement qu’il n’est jamais qu’une construction élaboré par le regardeur. »

L’effacement de toute trace humaine menace, mais il y a une beauté dans le vide, dans ce qui lentement disparaît, et dans la persistance des éléments de la nature que nous ne faisons que traverser.
Dans ses portraits, Vanessa Winship montre la dignité d’humains continuant malgré tout à affronter le spectacle de leur impuissance fondamentale.
Vanessa Winship, Sète #19, CéTàVOIR / Le Bec en l’air, 2019, 98 pages
