
Des enveloppes, des peaux, des coques, des coquilles, des écorces.
Hulls peut signifier tout cela, qui est aussi un livre de la Suédoise Monika Macdonald publié chez André Frère.
Hulls, travail sur les contours du masculin, est superbe, parce qu’il regarde ses modèles, des corps et visages anonymes, avec toute la force de la tradition picturale classique, et la délicatesse sans tabou de quelqu’un ne craignant ni d’aimer, ni de désirer, la vulnérabilité.

Voici la nudité des hommes, leur pauvreté ontologique, leur misère et leur grandeur, bien au-delà du mythe viriliste et du paradigme sportif incarnant la norme.
Non pas Hobbes et la victoire des loups les plus féroces, mais Saint François d’Assise et le langage des oiseaux, des insectes, des plus faibles créatures.
Hulls est un bateau ivre, dérivant calmement dans l’océan de la folie.

Car ce sont bien des fous que contemple la photographe, de pauvres hères affamés de reconnaissance, de regards, de caresses.
Ce sont nous tous, hommes, qui avons découvert la loi du genre dans les yeux de nos familles et les cours de récréation.
On ne naît pas homme, on le devient.

Oh Monika, regarde-nous encore ainsi, dans la vérité de notre chair, de la matière informée de notre corps, de nos blessures.
Oh Monika, offre-nous encore la chance d’apparaître entre les parois de ta vision.
Oh Monika, délivre-nous encore de l’infernale obligation de tenir notre rang, notre place, notre fonction de gardien de troupeau et de mâle reproducteur.

Merci de ne pas méjuger notre âme si notre ventre est trop lourd ou trop creux, si notre peau est trop sèche ou trop grasse, si nos bras sont trop frêles ou trop gros, si nos dents sont pourries ou de guingois.
Tu nous laisses le mystère de notre sexe, ne le photographiant pas, et tu nous permets tout dans le moment de pose.
Tu nous autorises la faiblesse, la mélancolie, la langueur, la dévoration, l’animalité, le jeu, le burlesque, l’oubli.

Nous grognons, nous feulons, nous murmurons.
Nous nous combattons, hommes de terre, hommes de peu à la peau pâle, de façon très érotique, et faisons des rapports de puissance des liens de volupté.
Nous grouillons de vie, nous sommes des anges, et des statues renversées.
Il fallait le regard de confiance d’une femme sur notre corps pour nous permettre l’abandon.
Monika Macdonald, Hulls, André Frère Editions, 2020, 72 pages – 34 photographies couleur
Monika Macdonald est représentée par la galerie VU’
Galerie VU’ – exposition Monika Macdonald prolongée – sur rendez-vous
Magnifique appel à la liberté d’exister « hors normes »
« Délivrez-nous de l’infernale obligation de tenir notre rang, notre place, notre fonction de gardien de troupeau et de mâle reproducteur. »
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