
Ce n’est pas un traité d’allaitement, ou un livre apologétique.
C’est un livre amoureux, offert à une mère et son enfant, une compagne, une épouse, très belle.
C’est une épopée intime d’un allaitement de plusieurs mois.

Un lit d’hôpital, une lumière artificielle, et, pourtant, l’inouï est là, d’un enfant tétant sa mère qui le regarde aspirer ses seins gonflés de lait.
En des teintes très douces, presque effacées, Vincent Ferrané contemple le peau-à-peau d’un duo lié par une immense tendresse, et des inquiétudes quelquefois.
La vie passe par le lait, mais aussi par le regard, et les caresses – le psychiatre et psychanalyste anglais John Bowlby appelle joliment cela les liens d’attachement.

Maman est très naturelle, et très sensuelle.
Des gouttes perlent, larmes chaudes et nourricières, alors que dehors la haie de sapins du pavillon de campagne est couverte de givre.
Le lit, le canapé, la chaise confortable sont des embarcadères pour de lointains voyages.

Maman ferme les yeux, oublie le temps, laisse tomber le téléphone portable.
Maman produit du lait, à foison, il faut le tirer, en faire profiter d’autres enfants, faire circuler l’or blanc.
Elle est jeune, elle apprend les gestes de toutes les mères, elle connaît maintenant les secrets.

Elle s’endort près de son enfant, tandis que le photographe veille doucement ce petit couple souverain.
Soulever le tee-shirt, utiliser le bavoir, changer l’enfant, ne surtout pas le brusquer.
On appelle cela le maternage, qui est la tendresse des gestes de l’adulte envers le vulnérable dépendant de lui pour sa survie.

Tout est d’une très grande délicatesse ici, qu’il s’agisse de l’acte photographique, précautionneux, silencieux, toujours fasciné par la merveille de ce qu’il contemple, ou des interactions intimes entre un bébé et sa maman.
Flottaison dans le bain de l’algue rose des seins.
Les doigts pressent à peine, le lait est projeté, réponse de la mère éternelle à tous les possesseurs de LBD en leur férocité de fer.

Tiens, maman porte un masque, bien en avance sur le temps du naufrage qui vient.
Pour le moment encore, c’est l’époque des délices et du soutien-gorge dégrafé.
C’est la beauté du don et du contre-don.

C’est un nuage de lait dans l’eau de la baignoire.
C’est le mystère des apparitions de Zeus, qui s’appelle ici Anton quand Léda se prénomme Armelle.
Vincent Ferrané, Milky Way, Libraryman (Suède), 2017 – 500 exemplaires
Se procurer le livre – site de Vincent Ferrané
