
C’est une recherche plastique magnifique sur la pesanteur et la grâce.
Un modèle prénommé – may be – Rebecca aux formes voluptueuses, une jeune femme très ronde que la Hollandaise Mariken Wessels appelle Miss Cox.
Sur le mur de l’atelier des images punaisées, des captures d’écran, une peinture de Lucian Freud, la Vénus gravettienne, des corps dans l’eau, un éléphant de mer, et des recherches de poses.
Mariken Wessels nous propose d’abord de découvrir progressivement son sujet, de participer avec elle à l’élaboration de son livre, avant de connaître la merveille d’un corps lourd nageant sous l’eau avec beaucoup de légèreté, tel un animal marin d’une espèce inconnue, et très humaine pourtant.

Sur le sol, le corps est malhabile, il tangue, c’est un enfant qui vient de naître, et dont l’enveloppe physique est celui d’un sumo.
Masse de chair, masse d’être, que l’artiste va bientôt sculpter, en lui offrant la douceur de la céramique, pour le rendre incorruptible.
C’est une poupée de Louise Bourgeois égarée chez Rodin.
Une boule de terre, une boule de femme, une boule de mystère.

Une femme rampe, danse, tournoie, gauchement.
Mais sous l’eau, quel spectacle ! C’est une ballerine, un rat du grand opéra subaquatique, une algue stupéfiante.
Bien sûr, le choix du modèle est politique, renvoyant le spectateur à sa lourdeur psychique et aux critères de beauté que la société publicitaire lui a imposés.
Evoquant les recherches de Muybridge, l’étude de Mariken Wessels est une réflexion en images et matières sur la locomotion de l’animal bipède – à station verticale – que nous sommes tous, peu ou prou.
Voici trois modèles nus, trois Grâces, trois divinités tératologiques, s’ébattant dans l’eau, se heurtant, se frôlant, se repoussant, se caressant peut-être.
Flottent comme la robe d’Ophélie de longs cheveux roux sur un corps très blanc.
On ne sait plus où est le haut, le bas, la tête, la cuisse, le ventre, où sont les seins, les fesses, les bras, dans ce firmament aqueux où tout semble bouger avec tant de facilité.

Voici la femme acéphale, inouïe, totalement singulière, un corps à embrasser, envelopper, et avec qui danser.
Mariken Wessels, Miss Cox, book design and editing by Hans Gremmen, text Mariken Wessels, translation Taco Hidde Bakker, Fw : Books, 2020 – reliure suisse
Exposition Mariken Wessels, Nude – Arising from the ground, jusqu’au 1er juillet 2020, at The Ravestijn Gallery (Amsterdam)
