
Si l’Italie est telle que nous la présente Mario Testino dans Ciao (Taschen, 2020), je pars demain, tout à l’heure, sans laisser d’adresse – vous comprenez.
Je me tire des infernales ornières, j’attrape des lunettes de soleil, je me carapate.
La Dolce Vita ? Bien sûr.
La Fashion Life ? Affirmatif.
L’art au quotidien ? Rien d’autre.

La sensualité illimitée ? Evidemment.
L’otium ? Sans limite.
Ciao n’est pas un livre testamentaire, mais une relance d’énergie, un bain de jouvence, un réveil, une grande émotion intime, aristocratique, populaire.
La bourgeoisie ? Non, surtout pas, mais l’union des plus hautes classes, le peuple et les princes, le traîne-savate napolitain et le dandy romain ultime, la mariée sublime et la jeune fille aux pantalons troués.

Ciao, c’est quarante ans de corps-à-corps avec la vie, les ombres et les lumières, les palais et les rues fiévreuses.
Parce que tout est théâtre, scène, comédie, drame, et spectacle baroque.
Parce l’Italie est le pays de Dieu, de l’incarnation, qu’elle ait lieu dans un stade de football ou dans le visage d’une belle de passage.

De la mode, du luxe, de la dépense, qu’elle se compte en billets de banque, en feux de paroles, en rencontres de chair.
Ciao est une fresque pompéienne, une villa des Mystères, le baiser d’un centaure à la plus noble dame.
Les raggazi font la bringue, un chien conduit un scooter, Sienne se prépare pour la fête du palio, Naples se marie.

Né en 1954 à Lima (Pérou), Mario Testino clame avec Ciao son amour de l’Italie, de ses femmes, de ses beaux garçons, de son goût de la provocation, de sa richesse ostentatoire – jusqu’aux limites du kitsch -, de la fête et du sexe.
Vilipendé depuis 2018, dans la foulée de l’affaire Weinstein, Mario Testino serait un sale type, un monstre abusant de son pouvoir, un attoucheur salace.
Les avocats défendront, la justice tranchera, et Dieu reconnaîtra les siens.
Dans ses excès, sa fascination pour la beauté, féminine et masculine, son amour du petit peuple, Ciao est un éloge de la pulsion de vie, jusqu’à la dévoration, jusqu’à l’ivresse, jusqu’à l’extase.

Dans un stade de football, dans une noce, dans une église, dans une villa patricienne.
Tiens, George Clooney vient d’arriver avec Julia Roberts, et le voici qui replace à l’horizontale le nœud papillon de Giorgio Armani.
La nuit sera sexy, fellinienne, et interdite aux tièdes.
Mario Testino, Ciao, texts Mario Testino & Alain Elkann (italian/english), art direction Massimo Mezzavilla, Taschen, 2020