Ferrare, chanson d’amour triste, par Jean-Pierre Ferrini, écrivain

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« Dehors, les volets de l’immeuble voisin étaient fermés. La ville apparaissait comme une forteresse, close, rigoureusement quadrillée, derrière d’hermétiques remparts. »

Un couple en crise, un voyage en dix-sept stations et deux parties, une ville aristocratique.

Il faut relancer les dés.

Nous sommes à Ferrare, cité secrète, non loin de Venise happant dans son vertige de lumière les âmes pressées.

Il faut tenter à deux, une nouvelle fois, d’accorder les chemins de corps et de paroles, de se retrouver, dans l’espace clos d’une architecture à taille humaine.

S’approcher, s’éloigner, dériver.

Vivre une trêve.

« Nous n’étions à Ferrare que pour quelques jours et je ne savais pas si nous repartirions ensemble. »

Promenades à bicyclette, boutiques, cafés, terrasses.

Elle a peut-être le visage de Dominique Sanda dans le film de Vittorio de Sica, Le jardin des Finzi-Contini – d’après le Ferrarais Giorgio Bassani -, lui a celui du narrateur protégé par l’imparfait/passé simple.

« Le soir, nous sommes retournés dîner à l’hostaria Savonarole. Elle avait acheté une jolie robe d’été, noire, avec des pois blancs. Un lampadaire sépare en deux la photographie. Sur sa bicyclette, les jambes nues, devant un mur de briques rouges, elle sort de la nuit qu’illumine le flash de trois catadioptres fixés aux rayons. »

Le voyage était bref, elle repart.

Et le voici désormais seul avec ses souvenirs, ses hypothèses, ses espérances, dans la ville altière.

« Elle était une grande jeune fille brune avec des yeux effilés qui montaient au ciel quand nous faisions l’amour, deux tranches d’agate aspirées hors du champ de la gravitation terrestre. »

Il faut beaucoup tâtonner, rencontrer, éprouver, perdre, avant de trouver l’amour.

Il faut de l’expérience pour ne pas le diminuer, le meurtrir, le faire fuir.

Espace introspectif, Ferrare est aussi une fiction, une balle de tennis invisible dans un film d’Antonioni, qui y habitait – très belles pages sur son cinéma, et la foi.

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Quel sens à notre histoire ?

Comment la raconter, ne pas la trahir, ne pas la gauchir ?

Un deuil peut-il conduire à une nouvelle naissance ?

Dans l’énigme de Ferrare, tout prend sens, en restant indéchiffrable.

S’attache-t-on à l’être de l’aimé(e) ou à l’amour ?

Peut-on se retrouver pleinement après que chacun a connu de son côté d’autres relations, d’autres corps, d’autres jouissances ?

Dans la deuxième partie, des images – photographies, plan, peintures, gravures – gagnent les pages, disent autrement le manque, la désorientation, la détresse.

« Confusément montait en moi un sentiment que je connaissais mal et que je refusais d’apparenter à la jalousie. »

L’écrivain s’observe, note les mouvements qui le décomposent, Orlando furioso désemparé.

Ne pas enfermer le désir dans la conjugalité étroite, ne pas tromper, rassurer l’autre quant à sa place fondamentale.

L’esprit sait cela, les émotions moins.

Sagesse épicurienne, pour la femme et l’homme.

Prendre soin de la vulnérabilité de l’autre et de ses peurs d’abandon.

On trébuche beaucoup, on se blesse, on se quitte.

Et puis l’on s’aperçoit que l’amour existe, une nouvelle fois, et que nous n’étions pas à sa hauteur, qu’il fallait grandir.

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Jean-Pierre Ferrini, Un voyage en Italie, Arléa, 2013, 102 pages

Editions Arléa

Merci encore à Anne Bourguignon de me faire découvrir en profondeur le catalogue Arléa

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Se procurer Un voyage en Italie

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