L’azur, l’air lumineux, l’art, par Yves Klein, plasticien de l’immatériel

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« Le bleu n’a pas de dimensions. Il est hors de dimensions, tandis que les autres couleurs elles, en ont. Ce sont des espaces psychologiques. Le rouge, par exemple, présuppose un foyer dégageant de la chaleur. Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes, matérielles ou tangibles d’une manière psychologique, tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et la ciel, ce qu’il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible. »

L’Evolution de l’art vers l’immatériel est une conférence d’Yves Klein, prononcée le 3 juin 1959 dans le Grand amphithéâtre de la Sorbonne à Paris.

Elle commence par une présentation du plasticien par la galeriste Iris Clert. On dirait un chorus d’Albert Ayler, il faut le lire d’une traite, d’un seul souffle : «  Yves Klein est fils de peintres. Après avoir étudié à l’Ecole nationale des Langues orientales, il est successivement libraire à Nice et entraîneur de chevaux de course en Irlande. En 1949, 1950 et 1951, il voyage à travers toute l’Europe. En 1952, il s’embarque pour le Japon où il étudie les arts martiaux anciens. Il revient du Japon après avoir obtenu le grade de ceinture noire, 4e dan, du Kôdôkan de Tokyo. Il est alors nommé directeur technique de la Fédération nationale de judo d’Espagne en 1954. Ayant  continué à peindre pendant tout ce temps, et déjà dans sa manière monochrome depuis 1946, il publie simultanément Les Fondements du Judo, chez Bernard Grasset à Paris, et un recueil de reproductions en couleur de ses œuvres, aux éditions Franco de Sarabia de Madrid, qui, importé à Paris, commence à attirer l’attention sur lui dès cette époque. En 1955, il décide d’abandonner toute activité de judo pour la peinture et vient habiter Paris. »

 Il y a chez Yves Klein une volonté absolue de quitter les rives étroites du matérialisme pensé comme quantification et avoir, pour une dimension de l’art appréhendée dans sa capacité à faire percevoir, dans le mouvement de sa propre disparition, une puissance d’infini.

Le Journal de Delacroix est cité : « Malheur au tableau qui ne montre rien au-delà du fini ! Le mérite du tableau est l’indéfinissable : c’est justement ce qui échappe à la précision. »

Ne surtout pas associer la notion d’œuvre à l’ego, mais à celle d’une vita nova inouïe : les véritables artistes « savent ce que c’est que la responsabilité d’être un homme vis-à-vis de l’univers. »

Il est pour Klein de la possibilité et de la grandeur de l’art de permettre au spectateur/acteur de libérer en lui une énergie spirituelle allant bien au-delà du « matérialisme momifiant » : « Les véritables ennemis sont la psychologie, l’optique apprise, la sentimentalité, la composition, l’héroïsme sentimental, qui engendrent des mondes totalitaires, des espaces délimités de la terreur, des résidus pour ventriloques de l’Occident. »

Que la peinture aille plus loin que l’œil, qu’elle soit agissement intérieur et unité dans le vide partagé.

En exposant ses monochromes bleus, tous identiques, l’artiste propose ainsi une expérience de contemplation radicale proche d’un exercice zen, apsychologique, sans aucun pittoresque.

En cela Giotto, dans la basilique Saint-François d’Assise, peut être considéré, dans le bleu irradiant de ses ciels, comme un précurseur génial.

Gaston Bachelard (L’air et les songes) est convoqué – « D’abord il n’y a rien, ensuite il y a un rien profond, puis une profondeur bleue. » -, mais aussi Paul Claudel : « L’azur entre le jour et la nuit indique un équilibre, un vrai, comme le prouve ce moment ténu où le navigateur, dans le ciel d’Orient, voir les étoiles disparaître toutes à la fois. »

Accéder par l’art au principe même de la vie, par-delà l’espace et le temps.

Yves Klein est mort très jeune, d’une crise cardiaque, le 6 juin 1962.

Il venait d’avoir 34 ans, l’âge peut-être d’entrer dans le vierge, le vivace, le bel aujourd’hui.

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Yves Klein, L’évolution de l’art vers l’immatériel, présentation par Iris Clert, éditions Allia, 2020, 62 pages

Editions Allia

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