En bords de mer, par Robert Doisneau, pêcheur d’images

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 © PHOTOS ATELIER ROBERT DOISNEAU

« J’ai dix-sept ans, je suis maigre et mal fringué. J’apprends un métier sans avenir. Le décor qui m’entoure est absurde. Quand je montre mes photos à mon entourage, ils sont tous d’accord, c’est de la pellicule gâchée. M’en fous, je continuerai quand même. Un jour peut-être il y en aura pour trouver dans mes images comme un ricanement révolté. » (Robert Doisneau, A l’imparfait de l’objectif, Actes Sud, collection « Babel », 1995)

Il nous faut du bonheur, même un peu fabriqué, même un peu mis en scène.

Il nous faut la tendresse, l’humour, et la vie malgré tout.

Il nous faut Edouard Boubat, Willy Ronis, Sabine Weiss, Robert Doisneau.

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 © PHOTOS ATELIER ROBERT DOISNEAU

Allons voir la mer avec Doisneau (Glénat, 2018) est un ouvrage issu de L’Atelier Robert Doisneau, structure créée par les deux filles du photographe Annette Doisneau et Francine Deroudille, pour assurer la conservation et la représentation de son œuvre (450 000 négatifs archivés dans son appartement de Montrouge).

Composé par Angelina Meslem, cet ouvrage colligeant une majorité d’images issues des années 1950 et 1960 est un hymne à la joie, à l’espoir, à la simplicité du quotidien.

Les désastres de la guerre ne sont pas oubliés – il y a encore çà et là sur les plages des fils de fer barbelés -, mais ce n’est pas le premier sujet d’un artiste croyant davantage à la persistance d’un monde commun qu’aux irrémédiables déchirures.

Nous sommes, de port en port, de sable en sable, généralement en France, en Normandie, sur la Côte d’Azur, en Bretagne, au Pays basque, dans le Languedoc, avec des familles, des pêcheurs, des peintres, des travailleurs, mais aussi en Angleterre et en Croatie.

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 © PHOTOS ATELIER ROBERT DOISNEAU

Le regard de Doisneau ne s’attarde pas sur la misère ou les impasses, mais sur le plaisir d’être là, dans les vagues ou sur les dunes.

Il y a des thoniers (Saint-Jean-de-Luz), un saunier (île de Ré), des dockers (Le Havre), des mareyeurs (Le Guilvinec), tout va bien dans le travail, la fraternité et la solitude.

L’ami Maurice Baquet ouvre le bal, génie facétieux sorti de la lampe du photoreporter globe-trotteur.

Adepte du Rolleiflex – et des recadrages -, Robert Doisneau recherche la légèreté dans la profondeur, la sensation de vie et l’inscription dans une époque, fournissant en photographies nombre de journaux illustrés, Réalité, Vogue, Regards, France Magazine, Tourisme et Travail, Air France Revue, France Illustration…, et des publications américaines, Life, Picture, Post, Fortune.

On connaît surtout son œuvre pour son travail sur Paris et la banlieue, mais aussi le monde ouvrier. On l’a peut-être moins célébré, avant l’ouvrage Les Grandes Vacances (coécrit avec Daniel Pennac, éditions Contrejour, 1979), pour ses images de bords de mer.

Les grèves austères sont devenues des plages, prises d’assaut par les curistes et les estivants, notamment la French Riviera par les plus fortunés de tous.

Le tourisme de masse est né en 1936 avec les congés payés, s’est installé, développé, comme à la Grande-Motte aux alentours de 1969.

« Allez savoir, écrit Francine Deroudille en juin 1968, comment cet homme qui travaillait sans jamais s’accorder la moindre pause, qui a posé sur ses contemporains un regard souvent caustique, livrant une chronique sociale de son époque critique et distancée, est parvenu à laisser la trace d’un éternel promeneur à la gentillesse inusable. »

Dilettante et un peu mièvre, Doisneau ? Non, gros travailleur, très professionnel, et regard amical sans être déférent.

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 © PHOTOS ATELIER ROBERT DOISNEAU

Des bigoudènes, Georges Braque à Varengeville-sur-Mer, des belles alanguies, des vacanciers heureux, Blaise Cendrars devant la baie de Villefranche, des enfants symbolisant la grande santé, et à quai, au Havre, le paquebot Louis Lumière, hommage discret à l’inventeur de l’autochrome et à la puissance d’un médium longtemps déconsidéré.

 Allez, on repart malgré le démonde, dans l’affection et le bruit neufs, la vie vaut le coup.

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Allons voir la mer avec Doisneau, textes Angelina Meslem & Francine Deroudille, Editions Glénat, 2018, 224 pages

Editions Glénat

Atelier Robert Doisneau

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Se procurer Allons voir la mer avec Doisneau

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