Vers la clarté, par Charles Juliet, poète

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« si tu n’as pas / connu / le naufrage / impossible / de gagner / la haute / mer »

Il est rare de gagner le combat contre l’Obscur.

Il est rare, à force d’obstination, d’ascèse, d’écriture de nudité, de marches incessantes dans le silence, de s’accorder à la lumière, et de ne pas la perdre.

Ainsi va l’œuvre de Charles Juliet, pour qui l’effroi, les empêchements, la honte furent des matières premières, primitives.

Il a fallu, pour trouver un chemin parmi  les ronces, dix volumes de journaux , des récits (L’année de l’éveil, Lambeaux), des discussions en profondeur avec Bram van Velde, Pierre Soulages, Raoul Ubac, François Dilasser, Fabienne Verdier (liste non exhaustive), et de nombreux recueils de poèmes, rassemblés aujourd’hui par les éditions Gallimard dans un volume anthologique conçu par l’écrivain lui-même, Pour plus de lumière, 1990-2012.

En préface, un texte, excellent, de Jean-Pierre Siméon, La conquête de l’obscur, très inspiré par Jean de la Croix : « Je ne connais pas d’œuvres plus univoque que celle de Charles Juliet. Elle n’a qu’un objet : l’élucidation de soi, la mise à nu et à jour d’une vérité intérieure, lointaine, enfouie, perdue. Elle n’a qu’un moyen : éliminer le moi, ses leurres dérisoires, sa vanité et son anecdote, par l’écriture aiguisée comme un scalpel, justement incisive. Elle n’a qu’une visée : trouver la source, la paix des origines – qui est lumière, « tiédeur des eaux », réconciliation. »  

D’apparence soustractive, l’écriture de Charles Juliet est donc essentiellement taoïste, de dépassement des antinomies stériles dans ce lieu où reposent ensemble le petit paysan orphelin, le boxeur de l’internat militaire d’Aix, l’assoiffé de justice, le solitaire absolu, le grand lecteur des traditions mystiques, l’ami d’un peintre hollandais comme d’un berger des Alpes-de-Haute-Provence, et enfin l’écrivain qui les contient tous.

Celui qui erre,

Celui qui écoute,

Celui qui cherche,

Celui qui a peur,

Celui qui tombe,

Celui qui doute de son existence,

Celui qui se morcelle,

Celui qui se sent épave,

Le vagabond,

Le muet,

L’interdit,

Le désespéré,

Le naufragé,

Le piétiné,

Ecrit après des décennies d’exil : « Finies les longues errances / sous des ciels éteints / Finis ces combats truqués / où j’étais toujours vaincu / Fini ce temps installé / dans la misère du non / J’ai dépose le poids mort / qui obscurcissait ma vie / Long a été le chemin / qui m’a permis / de quitter mon enfance »

Et : « Oui / le travail qui se poursuit / à l’intérieur de la forge / ne doit jamais s’interrompre / (…) Ma lumière / a de solides racines »

Les poèmes de Charles Juliet relèvent d’une expérience intérieure, d’une traversée réussie du gâchis, tout autre commentaire est au fond superflu.

« Un jour / au comble de la détresse / vidé de toute force / acculé à reconnaître / que l’inaccessible se refusait / il admit qu’il lui fallait / renoncer // à sa vive surprise / sans qu’il eût / à progresser d’un seul pas / il franchit le seuil / déboucha dans la lumière »

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Charles Juliet, Pour plus de lumière, Anthologie personnelle 1990-2012, préface Jean-Pierre Siméon, Poésie/Gallimard, 2020, 444 pages

Site Gallimard

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