© Juliette Agnel 2020 – courtesy galerie Françoise Paviot
Juliette Agnel est une photographe de la nuit, non par dégoût du jour, mais parce que les affaires sociales dont on s’occupe sous les effets du soleil ne sont qu’une mince portion de réalité.
Il lui faut des astres, des mystères, des vertiges.
Il lui faut des poses longues, de l’attente un peu transie, des possibilités de révélation.
Aux étoiles le poids de la terre, son dernier ouvrage publié par les éditions Contrejour, fruit d’une résidence à Chartres de Bretagne initiée par l’association L’art à l’ouest – de la photographie d’auteur pour tous -, est une méditation sur les paysages, urbains/ruraux, et ce qui les transcende.
© Juliette Agnel 2020 – courtesy galerie Françoise Paviot
Tout paraît immobile, mais tout se meut, dans l’infini comme dans l’infinitésimal.
Pendant que nous dormons, une gardienne de nuées contemple le tohu-bohu de l’univers.
L’observation naturaliste, quand elle choisit l’énigme des nocturnes, n’est jamais très loin de la sphère fantastique.
Juliette Agnel est attentive aux seuils, aux lisières, à ce qui détermine des lignes, aussi ténues soient-elles, indiquant une crête où ne pas s’égarer.
© Juliette Agnel 2020 – courtesy galerie Françoise Paviot
Des réverbères, des feux tricolores, des flashes, et des étoiles en pagaille.
Les sources de lumière colorent les chemins de campagne, comme les façades des structures habitées.
Un monde se lève, chargé d’énergies, secret et puissant.
C’est le conciliabule des arbres et des rivières, des champs et des serres, des herbes hirsutes et des lierres, des hangars de tôles et des bottes de paille.
Qui est là à cette heure ? Des fous, des savants, des poètes.
© Juliette Agnel 2020 – courtesy galerie Françoise Paviot
Des enfants qui boudent, des amoureux qui fuguent, et des animaux fuyant le tapage humain.
Muni de sa source d’éclairage, l’opérateur tente une approche de l’arbre.
Ce n’est pas forcément le plus beau, mais, s’il pense comme Saint Benoît, nul doute qu’il trouvera en son prochain, particulièrement parmi les plus nus, le visage du Christ.
Plus loin dans la cité, il y a des lueurs bizarres, peut-être des fêtes clandestines, ou tout simplement un sabbat de sorcières préparant quelques sortilèges noirs.
Ordonnée par les édiles, la ville est aussi ensorcelée, ensorcelante, d’une paix étrangement dangereuse pour la raison.
© Juliette Agnel 2020 – courtesy galerie Françoise Paviot
Une main caresse l’encolure d’un cheval, et soudain tout s’éclaircit, le jour revient, la merveille des mauves attirées par Phébus, les branches fines tentant un passage à travers la canopée modeste des bois armoricains.
Un homme embrasse un arbre, l’onde est renoirienne, il y a des fleurs jaunes sur la traîne d’Ophélie.
Aux étoiles le poids de la terre est un livre au papier épais, célébrant la rencontre de la pesanteur et des cieux, de la matière végétale et de l’eau, du terrestre et de l’astral.
Juliette Agnel, Aux étoile le poids de la terre, avec une nouvelle d’Emilie Houssa, conception éditoriale Dominique Gellé, Isabelle et Claude Nori, conception graphique Agnès Robin, coproduction L’art à l’ouest, Contrejour, 2021, 74 pages
Expositions (dates à vérifier) : du 31 mars au 19 juin 2021, galerie Le Carré d’Art (Chartres de Bretagne) / du 14 mai au 24 juillet 2021, galerie Confluence (Nantes) ; et dans les gares SNCF de Rennes, Vannes et Nantes
Juliette Agnel est représentée par la galerie Françoise Paviot (Paris)
En regardant ces images oniriques et en lisant ce beau texte on se demande vraiment pourquoi on dort la nuit…
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