Notes de chevet d’une voyageuse, Hanayo, photographe et geisha

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©Hanayo

Keep an Eye Shut, de la photographe, musicienne et chanteuse nippo-américaine Hanayo Nakajima, devenue geisha à l’âge de dix-neuf ans, regroupe en images trente ans d’activités artistiques.

Exposée dans le monde entier, ayant notamment bénéficié en 2002 d’une exposition personnelle à Paris, au Palais de Tokyo (direction Jérôme Sans), Hanayo ne sépare pas l’art de la vie, mais cherche à construire un flux continu d’expériences esthétiques la déplaçant sans cesse d’un domaine de l’art à l’autre, d’un lieu à l’autre, d’un climat de sensations à l’autre.

Ses notes de chevet – à la façon très libre dont Sei Shonagon composa le sien à la fin du Xème siècle – est un livre d’images témoignant d’une présence flottante, entre le geste impeccable de la ballerine, et vie des pulsions d’une proto-punk.

La vie s’exprime sur le vif, la poésie doit être immédiate, rien n’est insignifiant.  

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©Hanayo

L’oxygène est rempli d’alcool, ou tout simplement d’une ivresse d’existence s’enchantant de la plénitude de ce qui est.

Le flou n’est pas un défaut de vision, mais une honnêteté supérieure, au risque du tremblement.

Il y a ici des superpositions d’images, de lumières, de cadres, de fenêtres, des couleurs pop, parce que si chacun tente d’édifier un monde habitable, ou de se glisser comme il peut dans l’ordre social, tout est aussi spectacle, fascination pour des couleurs, des formes, des matières.

Tout parle : la chaise dans la salle de bain bleue, l’escalier d’une institution quelconque, une haie bien taillée.

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©Hanayo

Tout se disperse tout vole, comme les aigrettes du pissenlit, dont l’artiste cherche à rassembler la première floraison.  

La voici se photographiant, non loin d’une fourmi géante.

Des cristaux de neige, des croisillons, des signes proliférants – la pensée de l’artiste est idéogrammatique.

Des inquiétudes romantiques (un monde abîmé, pollué, sali), et de la drôlerie : autoportrait en bouledogue savant.

Une électricité parcourt l’air, essentiellement mentale.

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©Hanayo

Les images sont montées cut, deux, trois, quatre par double page. Transports en commun, réseau autoroutier, infrastructures portuaires.

Des visages de proches, d’anonymes. Des enfants, des griffures, des doutes, des tourbillons de kamis.

Allers-retours entre le ciel et l’ici-bas, entre le lit et le faîte des buildings, entre les espaces du dedans et le vaste dehors.

Il y a beaucoup de danseuses, des pieds agiles, et des masques.

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©Hanayo

Célébration du temps, qui rôde, accueille, nourrit, attaque.

On peut photographier des fantômes. Ils n’aiment généralement pas trop cela, mais quelquefois, comme tout le monde, font preuve de narcissisme.

Tiens, voilà Araki, caché par un feuillage, c’est un faune, un voyeur, un danseur.

En son kaléidoscope existentiel, Hanayo offre à ses regardeurs une joie, une énergie d’être là, dans le vaste capharnaüm du vivant.

A sa façon buissonnière, élégiaque et vitaliste, Keep an Eye Shut est un livre de remerciement, profondément shintoïste.

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Hanayo, Keep an Eye Shut, éditeur Nao Amino, textes Kai Althoff, Takahiro Ito, conception graphique Minami Shimakage, Kehrer Verlag, 2021, 306 pages

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©Hanayo

Hanayo – Kehrer Verlag

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