Ghost Stories, comme un rêve de rhinocéros, par Federico Clavarino, photographe

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©Federico Clavarino

« Voilà que j’ai acheté un jardin croyant acheter un simple enclos fermé de murs, et point du tout, tout à coup cet enclos se trouve être un jardin tout plein de fantômes, qui n’étaient point portés sur le contrat. Or, j’aime les fantômes ; je n’ai jamais entendu dire que les morts eussent fait en six mille ans autant de mal que les vivants en font en un jour ? » (Alexandre Dumas)

Bien entendu, il n’y a pas de hasard, mais des rendez-vous généralement indéchiffrables.

Tout est lié, mais nous ne savons pas comment.

Il faut pour saisir des événements se produisant selon la logique quantique une capacité à penser hors du champ euclidien traditionnel – de la causalité ordinaire -, un haut degré de vibration énergétique, une sensibilité aiguisée.

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©Federico Clavarino

Prenant pour lieu d’étude l’archipel marseillais du Frioul, composé des îles Ratonneau, Pomègues, If et Tiboulen, le photographe Federico Clavarino a relevé des faits s’étant produits en ces lieux, apparemment sans concordance – qui sait ? -, mais que son livre publié à Barcelone par les éditions Anomalas rassemble : la construction par François 1er en 1516 d’une forteresse sur l’île d’If, où le jeune officier Edmond Dantès du roman d’Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo (1864), sera enfermé ; le 24 janvier 1516, le premier Rhinocéros jamais vu en Europe, expédié au pape Léon X, est débarqué sur Ratonneau, François 1er se précipitant pour admirer l’étrange animal, mais le navire qui le transportait coula, le graveur Albrecht Dürer immortalisant sur bois le mammifère africain à partir d’un dessin lui étant été envoyé ; le 31 juillet 1944, l’avion d’Antoine de Saint-Exupéry fut abattu par un chasseur allemand, le corps du célèbre écrivain n’ayant jamais été retrouvé, fors le bracelet portant son nom, près de Pomègues, par un pêcheur, quelques décennies plus tard.   

La fiction précède-t-elle la réalité, voire la produit-elle ? Que penser du trou que l’on peut aujourd’hui apercevoir dans la cellule de Monte-Cristo par lequel il put s’échapper ?

Ghost Stories est l’histoire de ces mondes incompossibles pourtant unis en un même espace : un roi de France, un prisonnier évadé, un écrivain à la renommée internationale assassiné, un bel animal monstrueux.

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©Federico Clavarino

Chez Federic Clavarino l’archéologie est un effet du présent.

Aucun passéisme chez lui, mais des images solaires, des individus d’aujourd’hui, lunettes de soleil, casquette, téléphone portable.

Les bandits d’hier sont-ils ceux d’aujourd’hui, chaîne en or autour du coup ? mais ce sont peut-être des princes.

Des parquets, des meubles cirés, des gazes.

Un avion s’élance dans un ciel tempétueux.

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©Federico Clavarino

Des roches quasi lunaires.

Un arbre étique dans un paysage taciturne.

Il y a quelque chose ici du cabinet de curiosité, mais étendu à la rue, au grand-dehors.

Des papiers volent, des institutions sauvegardent – des os, des animaux empaillés -, les cachots s’ennuient d’être désormais inoccupés.

Une jeune femme du Sud en jogging réfléchit, la tête emplie de ruines et de sable.

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©Federico Clavarino

Ce que nous voyons est-il de l’ordre du rêve ou de la réalité ?

Quelle est la véritable consistance du sol, des murs, des peaux ?

En tapisserie, en dessin ou en gravure, le rhinocéros est toujours cet être du futur portant une armure médiévale.

Des sculptures, des griffures, des craquelures, des fenêtres ouvrant sur le vide.

Une bâche en plastique, des monticules de vêtements, métonymies des déplacés, des exilés, des déracinés.

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©Federico Clavarino

Telle est Marseille, telle est la Méditerranée, telle est l’histoire des minots égarés.

Etre ici et ailleurs, en partance et en attente, dans la confusion de tous les temps, et sans que nul, croyant être l’acteur de sa propre vie, ne s’en rende compte.

Federico Clavarino a relevé ce passage – réponse probable à Paul Valéry – du roman Pilote de guerre (1942) : « Je suis choqué par une évidence que nul n’avoue : la vie de l’Esprit est intermittente. La vie de l’Intelligence, elle seule, est permanente, ou à peu près. Il y a peu de variations dans mes facultés d’analyse. Mais l’Esprit ne considère point les objets, il considère le sens qui les noue entre eux. Le visage est lu au travers. »

Ghost Stories est-il un livre d’Esprit ou d’Intelligence ?

Ne s’édifierait-il pas justement, et magnifiquement, à leur intersection ?

aa

Federico Clavarino, Ghost Stories, texte Federico Clavarino (anglais, espagnol, catalan), conception graphique Underbau, Ediciones Anomalas, 2021, 192 pages

This project win the Prémi Mallorca de Fotografia Contemporania 2019

Ediciones Anomalas

Federico Clavarino

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