©Alexandre Christiaens
Ne tenant pas à être constamment dépendant de l’actualité éditoriale immédiate, il me plaît avec L’Intervalle de me situer aussi dans le contretemps, les considérations inactuelles, la mémoire longue.
Je regarde ainsi depuis plusieurs semaines le livre d’Alexandre Christiaens, Eaux vives, peaux mortes, publié par les éditions liégeoises Yellow Now en 2011.
C’est une œuvre très belle, très libre, inspirée de voyages maritimes circumterrestres, le journal d’un bourlingueur, des méditations nettes et saisissantes d’un photographe solitaire.
©Alexandre Christiaens
©Alexandre Christiaens
Eaux vives, peaux mortes est un livre de visions, de fragments de réalité perçus comme des concentrés d’existence embarquant le spectateur dans une singulière odyssée.
Alexandre Christiaens voit des formes, des agencements de structures, des isolats.
Tout est lié, mais tout est séparé.
©Alexandre Christiaens
Tout exprime, mais tout parle dans l’incommunicable.
Au format carré, en noir & blanc ou couleur, le photographe construit des chemins de sens, des diptyques particulièrement féconds, associant par la grâce des concordances thématiques et formelles des géographies diverses.
Alexandre Christiaens pense par ellipses, métaphores, métonymies.
©Alexandre Christiaens
Il y a dans nombre de ses images des amorces, des indices fictionnels – un banc, une télévision, un pan de toit de pagode, une étrave, un rideau -, que la mer emporte et noie en son vaste remuement.
Il y a des traces, des présences, des palais endormis, des parois de silice, des inscriptions, le cuir d’un canapé couturé.
Sensible aux matières, aux pierres, aux surfaces, le photographe errant voit le monde en mosaïste.
©Alexandre Christiaens
©Alexandre Christiaens
On peut déceler chez lui une dialectique de la pesanteur et l’apesanteur, une foi dans ce qui est comme un doute sur la consistance de la réalité.
Un train passe, un cheval, une lumière, les saisons, les années.
Rimbaldien, Alexandre Christiaens écrit : « L’éternité, c’est le noir mêlé à la lumière, c’est la mer mêlée au soleil. »
©Alexandre Christiaens
Le monde est obscur, baroque, éblouissant.
Pour en ressentir la totalité, l’unité, il faut l’art, l’amour, la folie.
Le monde est un tableau, à Vladivostok comme sur les rives du Gange.
Il y a des cimetières de bateaux comme on trouve des cimetières d’éléphants, mais le désir de départ est inhérent aux chercheurs de vérité comme aux âmes éprises d’absolu.
©Alexandre Christiaens
©Alexandre Christiaens
Les voyages du photographe le mènent en Orient, où résident nombre de mystères de l’Occident.
Le sacré est une vache égarée dans une grande ville du Penjab, comme, bien loin de là, en Sibérie peut-être des friches industrielles marquées par le vent glacé de l’Histoire.
Dans un entretien avec Emmanuel d’Autreppe, Alexandre Christiaens confie : « Si j’ai une quête, c’est à la fois celle de la frontalité et de son contraire, ce que l’on ne voit pas et qui pourtant compose toute chose. Ça tient aussi à ma façon d’appréhender le drame de nos conquêtes : comme des édifices en ruines. »
Alexandre Christiaens, Eaux vives, peaux mortes, textes Alexandre Christiaens, Emmanuel d’Autreppe, interview d’Alexandre Christiaens par Emmanuel d’Autreppe avec la participation de Jean-Louis Godefroid, éditions Yellow Now, 2011, 192 pages
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