©Stéphane Ruchaud
Après le cultissime Kenned (Editions Autonomes, 2019), fanzine photographique consacré par ses utilisateurs eux-mêmes aux dernières heures du skatepark punk de Brest (Finistère), situé près de la gare, les amateurs de glisse, et plus largement ceux d’architecture, ou tout simplement de beaux livres magnifiquement dessinés, vont de nouveau se régaler avec l’ouvrage du photographe Stéphane Ruchaud, Skatepark Continua, publié par les éditions Rue du Bouquet.
Racontant en images la construction du skatepark de la Galleria Continu à Boissy-le-Châtel, en Seine-et-Marne – conçu par les architectes MBL (Martinez Barat Lafore) avec Bureau David Apheicex et la paysagiste Camille Frechou -, ce livre montre les étapes d’élaboration d’une structure à visée fonctionnelle s’inventant à la croisée du land art et des nécessités induites par une pratique sportive où les connaisseurs sont d’autant plus exigeants que eux aussi créent par leurs figures et prouesses de l’art.
©Stéphane Ruchaud
Site dédié à l’art contemporain, le Moulin de Sainte-Marie, ancienne papeterie abandonnée de Boissy-le-Châtel, convertie progressivement en lieu d’exposition par la galerie d’art Galleria Continua, est devenu également un site paysager où les œuvres in situ se multiplient.
« Le skatepark, précise Soraya Chaar, est tout autant un élément paysager qui structure l’étendue entre les bâtiments épars qu’un équipement destiné à accueillir un public nouveau. Il s’étend sur le tracé de l’ancienne voie ferrée qui achalandait autrefois l’usine en matières premières et se signale dès l’entrée du site. »
©Stéphane Ruchaud
Créer du lien, des échanges, mixer les publics, telle est aussi l’ambition de ce microcosme imaginé pour le plaisir des détenteurs de planches à roulettes.
©Stéphane Ruchaud
Il y a des vals et des vallons, des sortes de volcans blancs comme en plein cœur du Havre, des capsules ironiques plantées dans le paysage comme des clitoris géants.
Arcatures, tubulures, lignes de niveau, fers à souder, et frémissement des arbres alentours.
La neige recouvre tout, figeant les travaux, tout est beau dans le rien devenant bientôt tout.
On imagine les bruits, les paroles, les sons très particuliers des skates s’arrêtant nets sur la crête d’un muret.
©Stéphane Ruchaud
Les enfants adorant les parcours de billes ont grandi, ce sont désormais des adolescents embrassant aussi bien qu’ils s’élancent dans le vide et serpentent entre les taillis de roses.
Ça pioche, ça creuse, ça cimente, ça crée du rythme de va-et-vient.
Tout est fluide, la vie est liquide, mais les chutes rudes font se souvenir cruellement des lois de la pesanteur.
Pas le choix, il faut voler, s’envoler, ou basta, t’écraser la gueule par terre comme un iench.
Le skatepark est un théâtre, une scène, un lieu de représentation, comme toute la vie sociale, mais en plus beau, en plus vrai, en plus cool.
Accompagné d’un essai de Iain Borden sur l’histoire de ces installations essentiellement urbaines, Skatepark Continua est un bel objet graphique et livresque, étrange et très inattendu.
©Stéphane Ruchaud
On rêve d’avoir dix-sept ans, de s’appeler Mike ou Maëlys, et de penser que la vie se résume essentiellement à la réussite d’une figure inédite.
Dix-sept ans ? Mais oui, on les a.
Fuck à qui pensera le contraire.
Stéphane Ruchaud, Skatepark Continua, textes Iain Borden & Soraya Chaar, conception design Bizzarri-Rodriguez, éditions Rue du Bouquet, 2021, 72 pages – 500 pages
Le blog de Fabien Ribery 