
Mais, j’adore ce que je vois, tellement à contretemps, tellement chez Contrejour (Claude Nori, éditeur et nageur biarrot).
Ex Time, du cinéaste Franck Landron, est un recueil de photographies d’un jeune homme précoce – il commence à déclencher tous azimuts à treize ans -, témoignant d’une énergie de vie immédiatement transmissible à son regardeur.
©Franck Landron
Pas d’école de photographie, pas de propos savants, pas d’orgueil démesuré, mais le plaisir d’être au monde, ici et maintenant, avec les copains, de rencontrer des filles naturelles et très jolies, d’être souvent à poil et de se marrer.
Publié à la façon d’un grand carnet Moleskine, cet ouvrage de 376 pages essentiellement en noir & blanc, où l’on ressent l’esprit de la Nouvelle Vague à chaque image, est vrai, sans posture, si ce n’est celle de l’insolence de la jeunesse.
Nous sommes à Herblay (Val-d’Oise), le père est garagiste, la mobylette pétarade, c’est l’heure des premiers baisers.

Vous pensez à Jacques Henri Lartigue ? Mais oui, le bonheur n’a pas d’âge.
Il y a en ce livre une ivresse de l’œil menant peu à peu aux premiers tournages, à la raison cinématographique.
Pour le moment, saoulons-nous de rencontres, la vie est cinétique ou n’est pas.
– Je serai le premier acteur du film de mon existence.
– Très bien mon fils, tiens, prends un Pascal, et va t’acheter une boîte.

En reprenant ses archives, Franck Landron a peut-être pensé au magistral End Time City, de Michael Ackerman, livre sur la cité des morts de Bénarès publié en 1999, mais avec Ex Time ce sera plutôt un éloge de la pulsion de vie, une sorte de cité de la joie multidirectionnelle à l’époque s’achevant des Trente Glorieuses.
De fait, ce livre se déploie à un moment de bascule, l’enthousiasme y étant central, comme la beauté d’un feu de Bengale.
On se roule des pelles, on regarde sous les jupes des filles, tout est à faire, à découvrir, à expérimenter.
On vivra comme à l’Américaine, avec un corps élastique, magnétique, dans le plaisir de l’instant.
©Franck Landron
Les impertinences de l’internat ne sont pas les mises à jour de l’internet, on peut respirer large, prendre le temps de déconner, et de se regarder à fond.
Ex Time témoigne du jazz de l’existence, abordée comme une merveille continuelle.
Alors qu’une langue se pose sur un téton tendu, on repense à Gandhi : « La vie n’est pas un problème à résoudre, c’est un mystère à vivre. »
©Franck Landron
Tout naît et disparaît, l’éphémère est loi, comme la métamorphose, comme les grains de sel d’argent effaçant peu à peu toute figuration.
– Tu sais, maman, toi qui n’es plus, les temps sont durs, très durs, il nous faut des raisons de vivre.
– Tiens, je t’envoie du ciel ce livre inattendu, tu verras, c’est un passe-muraille.
Puis : – Ne t’inquiète pas, tu me rembourseras plus tard.
Franck Landron, Ex Time, conception graphique et mise en page Franck Landron, textes (anglais/français) Michaël Houlette, Christine Delory-Momberger, Julie Corteville, Editions Contrejour (Biarritz), 2015, 376 pages – 1250 exemplaires

