
©Yann Datessen
Le monde est si petit, les frontières si nombreuses, les lignes de fractures si profondes.
Pourtant, il y a la possibilité d’un élargissement, par l’art, par l’amour, par la richesse de la vie intérieure.
En choisissant de placer ses pas dans ceux du poète trafiquant d’âme Arthur Rimbaud, Yann Datessen n’a pas cherché à illustrer un parcours, mais à poursuivre une dérive, de l’ordre d’une quête intime, d’une épreuve, d’une expérience de solitude fondamentale.

©Yann Datessen
Les initiales du poète sont ceux aussi de l’aller-retour (à soi, aux autres, aux lieux), qui donnent le titre de son livre publié chez Loco, AR, comme on compose une catabase après avoir séjourné aux royaumes souterrains.
En effet, AR est un livre d’ombres qui pourrait être de lumières, préférant l’invisible aux lueurs trompeuses de la pleine visibilité.
Les teintes sont celles d’une interminable mélancolie, comme si un voile s’interposait entre le regardeur et l’objet de sa vision, voile dont on peut penser qu’il est une gaze de révélation dans la guise ou le manteau troué de qui repose toujours dans le val enchanté, et maudit.

©Yann Datessen
Dans sa lente marche de course lente, à l’instar de Phoebus, Yann Datessen rencontre des adolescents bottés, des kiosques à musique désertés, des gardiennes de portes puissantes – appelons-les Anankè – ouvrant sur les mondes inférieurs.
Il faut payer, parfois trinquer, croire en sa chance, et continuer d’avancer, vers Bruxelles, Paris, Londres, Alexandrie, Chypre, Djibouti, Tadjourah, Douai, Gênes, le Col du Saint-Gothard, Java, Copenhague, le Harar, Alexandrie.
La kermesse est terminée, il est temps de suivre la piste des étourneaux, de s’épater un peu dans quelque café belge, de ne pas craindre de s’aiser.

©Yann Datessen
Les noms de tous les villages ont été effacés par un enfant aux yeux hantés, traversant des forêts où rôdent la folie, le désir fou, le plaisir abandonné sur les feuilles tombées.
Toi la reine à la poitrine démente, sphinge posant seule près des auto-tamponneuses, sens comme il est doux d’y accueillir les lèvres du destin.
Toi qui n’as pas de poitrine, mon frère de misère à la chevelure de fille, rejoins-moi dans la chambre où nous saurons nous griffer.

©Yann Datessen
Le repas est mis, juste, frugal, obscène : un verre de lait, des noix cassées, un préservatif allongé dans une assiette en faïence.
Sur le chemin, il y a des anges troublants, des brumes de petit matin et des vies estropiées.
Le genou tient encore, mais pour combien de jours ?
Prendre des trains, des chemins de halage, des bateaux, des coursiers brûlants.
C’est la guerre un peu partout, mais qui la voit vraiment ?

©Yann Datessen
Le bac à glaçons est rempli de sang, nous sommes des ombres errantes ne cessant d’essuyer des tempêtes.
Yann Datesen s’avance jusqu’aux portes du désert, mais l’eau manque, et la foi, et les armes.

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A Charleville-Mézières, un lycéen ayant lu le Coran se prépare pour le grand départ.
Yann Datessen, AR, texte Yann Datessen, direction éditoriale Eric Cez, Editions Loco, 2022, 96 pages
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©Yann Datessen
Bonjour, merci pour ce passionnant sujet. Je ne connaissais pas ce photographe, mais je suis un fan de Rimbaud et un peu un orphelin . Mon père, né à Charleville, m’a transmis le virus du dormeur du Val. Ses grands parents ont logé dans le même immeuble au 20 de la rue Forest qui a aujourd’hui un autre nom et qui mène à la gare, au coin le café de l’univers existe encore. Bonne journée à vous.
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