Photographie, espace vacant, par Marc Blanchet, poète

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©Marc Blanchet

« Je découpe du paysage dans du paysage. »

Poète, essayiste, écrivain de récits, Marc Blanchet est aussi photographe, qui publie deux livres à L’Atelier contemporain associé aux éditions Immanences, And Also The Trees et 17 secondes.

Tirées aux sels palladium par Anne-Lou Buzot, les vingt-et-une photographies de And Also The Trees saisissent le regard par leur très belle matière proche de la gravure.

Mêlant écritures photographique et littéraire, Marc Blanchet questionne les notions de perception et de paysage.

Les arbres qu’il photographie, solitaires ou regroupés, sont des amers vibrant dans l’espace.

A travers eux, tout chavire, respire, rêve.

« Nominations, glissements. Vérités, voiles. Ces paysages n’en sont pas moins des anamorphoses. Ils tordent le nom de ce que l’on peine à distinguer. »

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©Marc Blanchet

Marc Blanchet aime le déploiement des ramures dans le flou, faisant songer aux arbres-personnages du peintre Alexandre Hollan.

Photographiés parfois lors de déplacements en voiture, les êtres végétaux qu’observe rapidement le poète – quelle est la bonne vitesse de perception pour en révéler l’autonomie, la palpitation de vie ? – semblent doués d’une présence à la fois étrange et noble.

« Ainsi mes jours. Ainsi ces photographies nées au cœur de déflagrations. Chargées d’un gris pluvieux, d’un noir charbonneux ou d’une blancheur insolite, elles se donnent à voir, avec une distinction propre à leur prétention artistique, et regardent vers des héritages picturaux divers, des travaux photographiques multiples. »

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©Marc Blanchet

Marc Blanchet écoute des conversations secrètes, interroge des spectres de crépuscules, et c’est très beau.

« Je me porte, écrit-il à la lisière externe de son texte, vers un abîme qui fraie comme la foudre parmi une rangée d’arbres ; j’accueille l’électricité d’un buisson, l’étirement d’un sous-bois ; j’observe des agitations de branchages pareilles à des photogrammes ; flagrances de toiles d’araignée, vagues, vapeurs, chevelures au travers desquelles se dessinent une colline, une plaine, l’agitation des herbes… »

Roman-photo à la narration très libre, 17 secondes est une méditation sur le visage et la présence de la femme aimée, Nadia.

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©Marc Blanchet

A chaque photographie correspond un texte qui en approfondit l’énigme, jusqu’à l’ultime image (la 17eme), laissée sans commentaire, comme une victoire du visible sur le langage.

A la façon d’Alain Robbe-Grillet, Marc Blanchet opère des glissements, multipliant les pans de réalité accordés ou incompossibles.

Une femme tremble sans trembler : que/qui regarde l’image regardée ?

La Gradiva (image 3) est une nymphe de palais, romain ou berlinois.

« Il y a là un être, qui va et vient, et des photographies qui ne disent rien sinon la répétition d’un désir. L’homme aimerait s’y perdre, en rejoindre la nuit, y perdre ses yeux. Voir l’envers de l’image. Regarder ce qui ne se voit pas. »

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©Marc Blanchet

Cette flamme noire tournant dans le labyrinthe psychique de son contemplateur s’appelle Insaisissable.

Tous deux se suivent, se vivent, s’esquivent.

Etrangeté, fantasme, métamorphoses de la sensualité.

Dans la salle de bain, le corps penché de la belle amie rappelle Le nu provençal de Willy Ronis.

Mais ici la mélancolie du Nord est plus forte que le soleil du Sud.

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©Marc Blanchet

« Dans toute photographie, conclut pour ne pas conclure Marc Blanchet, se prononce un espace vacant, inatteignable. La femme ne l’ignore pas. Elle apparaît entière dans l’image mais quelque chose manque… Un espace à conquérir ; un sentiment à affirmer ; une image qui n’appellerait pas d’autres paroles, cet inépuisable désir de parler d’elle, de parler des images, de parler d’image en image. Il manque toujours quelque chose dans chacune des seize secondes que l’homme a prises de la femme ; quelque chose qui puisse dire : ceci est terminé. »

L’image manquante est peut-être aussi la possibilité de l’amour.

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Marc Blanchet, And Also The Trees,traitement des photographies effectué par Vincent Bengold, Anne-Lou Buzot et Jean-Marc Nigon, L’Atelier contemporain / Immanences éditions, 2022, 72 pages – 700 exemplaires

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Marc Blanchet, 17 secondes roman-photo, mise en page Florent Fajole, traitement des photographies effectué par Vincent Bengold, Anne-Lou Buzot et Jean-Marc Nigon, photographies tirées aux sels palladium par Anne-Lou Buzot, L’Atelier contemporain / Immanences éditions, 2022, 144 pages – 700 exemplaires

L’Atelier contemporain – site

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Se procurer And Also The Trees

Se procurer 17 secondes

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