La photographie comme zone franche, par Maxime Muller

©Maxime Muller

Doté d’une énergie considérable, le jeune photographe Maxime Muller multiplie les projets et les autoéditions rendant compte de sa vie intime et d’une fascination pour le sexe tel qu’il s’exprime dans les diverses communautés LGBTQIA+.

Publié par Les Editions Rien ne va plus (Oscar Ginter & Stéphane Gallois), son dernier opus intitulé Safe Word compulse des portraits, généralement masculins-trans, d’individus saisis dans des moments d’exhibition, et de jeux très sérieux de domination/soumission.

L’impression risographique de cet ouvrage témoigne d’une forme de clandestinité relevant d’une longue nuit fantasmatique où tout semble permis.  

©Maxime Muller

« Je voudrais, écrit le photographe en préface, créer une zone franche, une zone de porosité entre chacun.e.s. Un refuge pour anonymes peu fréquentables, un tiers-lieu pour monstres en détresse, un théâtre pour personnes hybrides, un livre pour chimères. Ici, c’est pas les mêmes codes que dans l’hétéronormativité : demander une autorisation de droit à l’image serait comme allumer la lumière dans un backroom. »

De fait, Safe Word ne fait pas dans la dentelle bourgeoise, mais dans le latex des godes épais, des ceintures en cuir, et des fermetures éclair bien placées.

Des hommes s’aiment, s’embrassent, se lèchent, rêvent d’être pénétrés et de pénétrer les zones interdites à la bienséance.

©Maxime Muller

On s’accroupit, on se plie, on s’expose, dans l’attente, douce et violente, de la dépossession.

Pas de blablas, de longs préliminaires contournés, mais du sexe mis en scène et direct.

Maxime Muller, chasseur scopique, ne ment pas avec le désir, il est là, parmi les réprouvés et les obsédés, appareil photo en main, jetant sa lumière crue sur les corps sans vergogne.

La ville dort, le grand spectacle peut commencer des travestissements et des appels de plaisir, des sexes gonflés et des sommeils d’ivresse, des beautés enchaînées et des cuisses bombées.

©Maxime Muller

Voici la démocratie des bandaisons et des éjaculations.

Voici le flux des espoirs et des désespérances.

Voici les rêves d’union et de désintégration des Narcisses aux abois.        

On s’emballe de films plastiques, on se dézippe entre les fesses, on avale quelques pilules désinhibitrices.

Par la somme de ses images montées cut, et parfois bien montées, Safe Word témoigne de la vie des invisibles en leur théâtre intime.

Le corps est souverain, à chacun d’en user comme il le souhaite.

©Maxime Muller

On se couche, on est couché sur papier, on se libère.

Dans un entretien passionnant avec Delphine Manjard, cocréatrice de la Librairie du Palais (Arles) et ardente défenseuse du grand œuvre de Maxime Muller, le photographe passé par la prestigieuse ENSP déclare dans un flow digne de Fela Kuti : « Je suis un zombie car je ne veux pas avoir de prénom, je suis un zombie car je ne veux pas que mon âge me détermine, je suis un zombie car je ne veux pas que mon genre me catégorise et me discrédite, je suis un zombie car je ne veux pas être affilié à ma sexualité, je suis toutes les sexualités. Je suis un zombie car c’est pour moi une nouvelle expression de genre, au-delà de la non-binarité, je suis comme un avatar mais je suis mort/vivant, c’est un nouveau système économique et juridique basé sur la prise de pouvoirs, sur le militantisme et la piraterie ; je suis un zombie-gouvernement, je suis un zombie-cowboy, je suis un zombie-pirate. »

Alors, chers ami.e.s, lors des prochains soldes, si les cagoules sont en promo, pourquoi ne pas tenter vous aussi l’expérience de la grande communauté politique – oh, mais si noire et parfois si misérable – des fous du sexe libéré des contraintes de la respectabilité ?  

Maxime Muller, Safe Word, texte Maxime Muller, entretien avec Delphine Manjard, Les Editions Rien ne va plus, 2022 – 300 exemplaires numérotés et signés

https://www.instagram.com/_chipolata_/?hl=fr

https://www.rnvp.paris/product/safe-word-maxime-muller

https://www.librairiedupalais.fr/

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