
©Franck Paubel
« Je garde le souvenir d’une communauté discrète et taiseuse, sobre et travailleuse, pieuse et rigoureuse, qui m’a laissé entrer dans un monde aux contours rugueux, d’apparence très fermé mais qui, en fin de compte, m’a ouvert ses portes sans a priori et sans aucun jugement. » (Franck Paubel)
Qui connaît la communauté Mennonite ?
Souvenez-vous, notre fameux président avait entamé son premier quinquennat en évoquant les Amish, dédaignés pour n’avoir pas accepté le train glorieux de la contemporanéité amnésique, pour leurs mœurs arriérées, pour leur refus des techniques agricoles modernes, peut-être polygames, allez savoir.

©Franck Paubel
Il m’avait rendu sympathiques ces croyants ayant émigré d’Alsace pour les Etats-Unis et le Canada, évoluant surtout loin de sa phraséologie.
Les Amish participent de la biodiversité humaine sur notre petite planète malade ? Bien sûr, comme les Mennonites, qu’a rencontrés au Mexique où vivent plus de cent mille d’entre eux le photographe Franck Paubel.
Il s’agit, précise Martha Gracia Ortega, des représentants d’un courant religieux protestant anabaptiste originaire de la Suisse et de l’Europe de l’Est ayant fui la répression au milieu du 16e siècle répartis dans de nombreux pays d’Amérique du Sud – on peut se rappeler l’anabaptiste Jacques, personnage chaleureux et charitable apparaissant au chapitre 3 du Candide de Voltaire.

©Franck Paubel
« J’ai choisi d’aller à la rencontre d’une petite colonie constituée de 200 familles établies dans le sud-est du Mexique, dans l’état du Quintana Roo, précise Franck Paubel. Prônant un mode de vie traditionnel et non violent, les mennonites ont pour principale activité l’agriculture. En pleine pandémie mondiale et les multiples confinements que le monde entier a connus, j’ai voulu m’interroger sur des sociétés en marge, moins en prise avec cet évènement exceptionnel, en allant au plus près d’une communauté qui s’est installée depuis des décennies dans un mode de vie reclus, rigoriste et sobre, en dehors du monde, sans pour autant en être totalement coupé puisque commerçant au quotidien avec les populations mexicaines locales, et de facto le monde extérieur. »
Un petit garçon apparaît entre les agaves, c’est un pionnier, un descendant, un espoir.
Le noir & blanc magnifie les paysages et les êtres, en abolissant en quelque sorte le temps.

©Franck Paubel
La colonie de Salamanca qu’a rejoint le photographe est répartie sur 5000 hectares, dont 3000 dédiés à l’agriculture.
Les fermiers posent en habits sombres parmi les plantations et chapeaux de paille traditionnels.
Dieu est là, croissez et multipliez-vous, préconise la Bible.
« Les familles les plus modestes, poursuit Franck Paubel, vivent principalement dans des cabanes en tôle, rarement dotées de plus d’une pièce, dans des conditions de vie spartiates. »

©Franck Paubel
Sentiment de noblesse et de rudesse, d’accords simples et de destin commun.
Des enfants peuvent conduire des tracteurs, la responsabilité se partage, chacun est à sa place.
Durant la messe dominicale, les femmes, dont la vêture noire impressionne, sont séparées des hommes.
L’atmosphère pourrait être faulknérienne, il y a ici un sentiment de fiction discrète, une grâce d’être un peu effrayante pour les irréguliers.
La communauté est un soutien, une orientation, une évidence, mais c’est aussi un carcan pour les êtres différents.

©Franck Paubel
August Sander se serait régalé ici, quelques portraits magnifiques rappellent son grand œuvre.
Mexico Mennonites est un reportage étonnant, une faille dans l’ordinaire de nos affairements, un décalage de regard qui fait du bien.
A l’instar du personnage de Voltaire, Franck Paubel ne juge pas, sa photographie est à hauteur d’hommes – une franchise de regards -, et son livre un document rare sur un mode d’existence perdurant malgré l’arasement idéologique actuel – éloge bêta de la différence sur fond de police des mœurs.

©Franck Paubel
Mais, le mentionne Neal Blough, rien n’est simple ou univoque, même en ces territoires où semble prévaloir un monde de certitudes : « Depuis leurs origines, membres d’un peuple à part et différent, les mennonites connaissent une crise d’identité récurrente. Sont-ils d’abord mennonites, protestants ou évangéliques, ou désormais néerlandais, allemands, suisses, français, canadiens ou américains ? Doivent-ils, comme les mennonites français, adopter la langue du pays ou garder tel dialecte allemand ? Doivent-ils se rapprocher d’autres chrétiens dont les convictions semblent proches ? Et surtout, la question le plus difficile, peuvent-ils, doivent-ils participer aux guerres que se font les nations modernes ? »

Franck Paubel, Mexico Mennonites, textes Neal Blough, Martha Gracia Ortega, Franck Paubel, graphisme et mise en page Pierre-Marie Gély, photogravure Christophe Girard, Arnaud Bizalion Editeur, 2022, 176 pages

©Franck Paubel
https://www.arnaudbizalion.fr/accueil/157-mexico-mennonites-franck-paubel.html
Cet article a été très intéressent sois car je ne connaissais pas cette comunitè soit car les photos sont très belles!
J’aimeJ’aime