Le thème de l’humain dans la collection photographique Bachelot

« Un jour, nous sommes à New York avec Damien Bachelot. Howard Greenberg nous accueille dans sa célèbre galerie de la 57^e Rue. Il y possède un lieu d’exposition, quelques bureaux où il présente une sélection de chefs-d’œuvre triés sur le volet. Et puis, au fond, se trouve sa réserve, avec des boîtes remplies de photographies, du sol au plafond. On dirait une installation de Boltanski… Ce jour-là, Howard Greenberg nous fait un cadeau extraordinaire, marque d’une grande confiance : il nous conduit dans la réserve et nous laisse ouvrir toutes les boîtes que nous souhaitons. » (Sam Stourdzé)

La première de couverture du livre, très belle, est un Cibachrome de Saul Leiter datant de 1950 appelé Sans titre (San Carlo, Restaurant au croisement entre 3rd Avenue et 10th Street).

Il est caractéristique de l’art du New-yorkais, maître des transparences, des multiples fenêtres, des inscriptions dans l’image et du mauvais temps brouillant les perceptions.

En quatrième de couverture, il s’agit d’un autre classique, la reproduction d’une épreuve gélatino-argentique de Brassaï, Brouillard à Paris, 1933.

Ces deux images sont emblématiques d’une collection de haute tenue – de Florence et Damien Bachelot, actuellement exposée à la Villa Médicis, à Rome – parcourant l’histoire photographique du XXème siècle, jusqu’à l’époque contemporaine, notamment avec Laura Henno, Stéphane Couturier, Luc Delahaye, Véronique Ellena, Philippe Chancel, Paul Graham et Mitch Epstein.

« Souvent sociales, parfois engagées, écrit Sam Stourdzé en préface du catalogue édité par Maison CF, les photographies de la collection Bachelot donnent à voir une représentation du monde, avec un focus particulier sur la photographie française et la photographie américaine. Elles racontent nos sociétés qui changent, la vie, parfois la survie, des hommes et des femmes. »

Constituant l’un des plus importants ensemble privé de tirages en France – les vintage sont privilégiés comme « recherche de l’authenticité créatrice initiale » -, cette collection compte près de mille photographies.

Saul Leiter et la photographie de rue américaine, mais aussi la photographie française dite humaniste et les débuts du reportage moderne avec Gilles Caron y sont très bien représentés.

Dans un entretien avec Michel Poivert, Sam Stourdzé – qui était l’expert de la vente d’Artcurial de novembre 2004 où les Bachelot commencèrent, d’abord pour le compte d’Aforge Finance et de leurs autres associés, leur collection – se rappelle : « Je me souviens de Saul Leiter dans la maison familiale des Bachelot à Villa-d’Avray, venant pour un dîner et offrant à Florence l’une de ses gouaches érotiques ; je me souviens des chiens du foyer, certainement attirés par l’odeur des vieux produits chimiques, attrapant et déchiquetant une enveloppe qui contenait quelques photographies vintage et qui était posée sur la table du salon… »

Maintenant place aux photographies, à la si belle Lella d’Edouard Boubat (un tirage qu’il garda toute sa vie près de lui), aux Funérailles japonaises de Henri Cartier-Bresson (1965), à la superbe danseuse – – quasi nue – de french cancan de François Kollar (1930), et tant d’autres merveilles (liste non exhaustive) : Les Adieux de Willy Ronis (1963), le drolatique Homme au tableau de Robert Doisneau (1950), le sublime Trois hommes s’étreignant de William Eugene Smith (1956), le Jeune Garçon de Paul Strand, photographie prise en France en 1951, et Bruce Davdison, Joel Meyerowitz (Jeune Danseuse, NYC, 1978), Luigi Ghirri toujours aussi magistral (Atelier Morandi, 1989), Chris Killip (voir actuellement sa rétrospective sur deux étages à la The Photographers’ Gallery de Londres).

Enfin, est offert à la contemplation un bel ensemble de Laura Henno, que Michel Poivert connaît bien et qu’il présente ainsi : « Revendiquant sa filiation avec l’Américaine Dorothea Lange, Laura Henno est l’autrice d’une œuvre dont la présence dans le bel ensemble constitué par Florence et Damien Bachelot montre à quel point le grand thème de l’humain gouverne la sensibilité de ces collectionneurs. »

Catalogue Collection, 150 photographies de la collection Bachelot à la Villa Médicis, préface (français/italien) de Sam Stourdzé, textes (français/italien) de Michel Poivert, Florence et Damien Bachelot, Maison CF / Académie de France à Rome, 2022, 128 pages

Les artistes représentés dans le livre sont Édouard Boubat, Mohamed Bourouissa, Marcel Bovis, Brassaï, Gilles Caron, Henri Cartier-Bresson, Philippe Chancel, Stéphane Couturier, Bruce Davidson, Luc Delahaye, Robert Doisneau, Gilles Ehrmann, Véronique Ellena, Mitch Epstein, Louis Faurer, Andreas Feiniger, Robert Frank, Paul Fusco, Luigi Ghirri, Mario Giacomelli, Nan Goldin, Paul Graham, Harry Gruyaert, Dave Heath, Laura Henno, René Jacques, Nadav Kander, Chris Killip, François Kollar, Josef Koudelka, Dorothea Lange, Saul Leiter, Helen Levitt, Vivian Maier, Susan Meiselas, Joel Meyerowitz, Janine Niepce, Willy Ronis, Eugene Smith, Mike Smith, Paul Strand, Sabine Weiss