Boulevard Voltaire, artère capitale, par Michèle Audin, écrivain

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Les questions de la mémoire, des luttes pour la défense de la dignité humaine et de la justice sociale, sont au cœur de l’œuvre de Michèle Audin, auteure aimant en outre, comme membre de l’Oulipo, les contraintes formelles, de genre et thématiques.

« Voici donc, pour nous guider dans la « montée » de ce boulevard, un lion de bronze, un casquettier, des clous, la statue d’un sergent, issue d’un poème que Raymond Queneau a écrit, un cinéma, une mariée et une manifestation, une cantinière confectionneuse, encore des statues, des autobus et ceux qui auraient préféré ne pas y monter, un détective privé surgi d’un roman que Léo Malet n’a pas écrit, une institutrice et ses choses, une couturière expulsée, un « embellissement » et un massacre policier. »

Le dernier ouvrage de Michèle Audin, Paris, boulevard Voltaire – sixième livre publié chez Gallimard dans la collection L’arbalète – est un portrait en quatorze stations de cette artère essentielle de la capitale française.

On peut penser aux écrits de Thomas Clerc (Paris, musée du XXIe siècle, Le Xème arrondissement), d’Yves Pagès (Paris distillé par le bouilleur de rue) et de Jean-Christophe Bailly/Thibaut Cuisset (La rue de Paris).

Les époques sont ici mélangées – mais les textes suivent la numérotation du boulevard -, le narrateur n’a pas toujours le même statut – mais il se confond souvent avec l’autobiographe -, l’écriture rend visible des fantômes, et nombre d’oubliés avalés par la répression et la cruauté de l’Histoire.

Son ouvrage est ainsi plein de cadavres, qu’il s’agisse des massacrés du Bataclan, ou des Communards fusillés, des révolutionnaires de 1830 et 1848 achevés à la baïonnette ou des juifs parqués par la police française au gymnase Japy.  

L’idée de République a prouvé sa puissancce boulevard Voltaire, où les barricades n’ont pas manqué depuis la Révolution de 1789.

En août 1941, à l’angle de la rue d’Angoulême une inconnue embrasse Georges Feldman, casquettier de dix-huit ans, et juif non recensé.

Paris, boulevard Voltaire se souvient des Résistants, accordant aux vies minuscules, à la façon des nouveaux historiens, et des meilleurs romanciers, une place majuscule.

La vie passe, nous sommes les figurants ou les protagonistes d’un film dont la pellicule se déchire, il faut l’écriture pour que les morts ressuscitent encore quelques heures.

Michèle Audin ne considère pas le temps avec nostalgie, mais le passé comme une force agissant encore dans le présent, souterrainement, discrètement, magnifiquement.

Des femmes manifestèrent pour le droit à l’avortement, leur combat est un en-avant.

Les Versaillais sont nos ennemis depuis toujours, ils rient encore dans la salle des professeurs, dans les cours des usines, dans les bureaux des préfectures.

Il y a les assis se confondant avec les étrangleurs, les exterminateurs, les normopathes vicieux, et les quelques autres, qui sauvent l’humanité – trop gros mot.

Le 8 février 1962, la police tue autour du métro Charonne, défendant les factieux de l’OAS, et s’amusant comme aujourd’hui d’autres braves avec leur matraque sanglante.

Emeute, insurrection, manifestation, contre-révolution.

Michèle Audin se rappelle, se documente, plonge dans les archives, lit des journaux, fait des listes.

Connaissez-vous Paris ?

Son livre , qui nous fait découvrir dans une deuxième partie les ponts franchissant la Seine ou l’un de ses bras, n’est pas un guide touristique, mais une visite sans apitoiement dans la cité des morts. 

Michèle Audin, Paris, boulevard Voltaire, suivi de Ponts, collection L’arbalète, Gallimard, 2023, 150 pages

https://www.gallimard.fr/Divers/Plus-sur-la-collection/L-Arbalete-Gallimard/(sourcenode)/116004

https://www.leslibraires.fr/livre/21834138-paris-boulevard-voltaire-ponts-michele-audin-gallimard?affiliate=intervalle

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