Carte blanche pour la couleur, par Guy Le Querrec, photographe

©Guy Le Querrec/Magnum photos

Alors que Paris expose les photographies noir & blanc de Bruno Barbey – Les Italiens, au Pavillon Comtesse de Caen, commissariat Caroline Thiénot Barbey et Jean-Luc Monterosso -, connu pour son travail en couleur, Paris montre également pour la première fois – à la galerie Durev – avec une belle ampleur (1970/1989) l’œuvre en couleur de Guy Le Querrec, dont n’a jamais été exposée que l’œuvre en noir & blanc.

Peu revendiquées jusqu’à ce jour par le photographe de l’agence Magnum, ces images en couleur sont pourtant enthousiasmantes.

Intitulé en hommage au célèbre album de Miles Davis, Kind of blue (1959), et à la passion du jazz de Guy Le Querrec (voir Michel Portal au fur et à mesure, Editions de Juillet, 2023 – et mon article), Kind of color, le livre publié par Trans Photographic Press (Dominique Gaessler) est une merveilleuse surprise.   

©Guy Le Querrec/Magnum photos

Initiée, après avoir vu au musée de Brooklyn une exposition inattendue de Gary Winnogrand simplement nommée Colors, par Guy Bourreau, ami de longue date du photographe, cette édition célèbre une écriture où éclatent à chaque page l’humour, la précision graphique et le regard plein de malice de l’auteur un peu sioux de Sur la piste de Big Foot (Textuel, 2000).

Qu’il travaille en couleur ou en noir & blanc, Guy Le Querrec déploie les mêmes visions de tendresse ironique et d’extravagance vertigineuse, la couleur lui offrant cependant une possibilité de jeu supplémentaire dans les dialogues possibles à l’intérieur de chaque composition.

Nous sommes avec lui au pays de l’Absurdie et de la solitude ontologique, mais aussi dans l’espièglerie sans fin de l’existence pour qui sait en percevoir les signes.

©Guy Le Querrec/Magnum photos

Le 16 mars 1978, le supertanker américain Amoco Cadiz s’éventre sur les rochers de Portsall (Finistère), année où Guy Le Querrec photographie en ces mêmes lieux, comme une pointe de dédramatisation, un homme portant sa barque sur le dos poursuivi par un petit aboyeur de chien blanc – on peut songer à sa célèbre image d’un jazzman caché par sa contrebasse posée sur un chariot d’aéroport.

En Bretagne, en Inde, en Chine, en Afrique, à Paris, aux Etats-Unis, le reporter/artiste photographie en noir & blanc comme en couleur.

Ses images réalisées au Québec sont peut-être parmi les plus étonnantes/inédites qui témoignent d’une liberté carnavalesque exemplaire.

Il y a ici un esprit de décalage à la Martin Parr doublée d’une approche de la couleur à la Tom Wood.

©Guy Le Querrec/Magnum photos

Chez Guy Le Querrec, l’instant décisif est celui du déclenchement d’un rire intérieur majeur.

Tout est grave et rien ne l’est.

Tout est sérieux et tout est ludique.

En couleur éclate souvent l’esprit d’enfance du photographe, un peu comme dans une planche de Tintin.

La Foire du Trône est l’un de ses lieux de prédilection, pour son côté populaire et kitsch, mais aussi le Concert Mayol, pour son électricité érotique.

©Guy Le Querrec/Magnum photos

Guy Le Querrec photographie en Inde la sensualité des aplats colorés des tissus, et le rouge d’un mégaphone, tout au Nord de la planète, comme un bec d’oiseau arctique.

Les fenêtres de vision sont multiples, alors que Steve Lacy en chaussettes vertes, adossé à la carcasse d’un véhicule défoncé, semble souffler calmement dans son saxophone soprano la déstructuration de tout l’espace.

Près d’une stèle isolée sur une pelouse, quelques barreaux d’une grille en fer ont été écartés.

Attention, les macchabés sont de sortie, et vous n’avez encore rien vu.  

Guy Le Querrec, Kind of color, textes/editing de Guy Bourreau et Dominique Gaessler, Trans Photographic Press, 2023

https://www.transphotographic.com/produit/kind-of-color-de-guy-le-querrec/

Exposition éponyme à la galerie Durev (Paris) du 17 mai au 12 juin 2023 – commissariat Annie Boulat, Jean-François Camp et Guy Bourreau

http://www.durev.com/

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Avatar de lorraindu13 Bernard Tritz dit :

    La photo des marins : face à la baraque sandwiches. M’a rajeuni, 1964 à Toulon, Quartier de Chicago, on s’arrêtait là pour un sandwich 2 merguez, l’une derrière l’autre dans le pain, harissa. Cette photo montre la longueur du sandwich… On se régalait pour 1 franc.
    Merci pour ce souvenir de si bon matin.

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