
©Julien Coquentin
Je fais systématiquement l’éloge des éditions Origini Edizioni, parce que les livres sont systématiquement somptueux, visuellement toujours nouveaux, formellement différents, et fabriqués avec un véritable savoir-faire artisanal.
On connaît les livres de Julien Coquentin aux éditions Lamaindonne et Filigranes (le récit Gast paraît officiellement en janvier), ouvrages creusant en images et textes un rapport à la terre, à la ruralité et aux légendes vécu comme fondamental.
Gloire à lui désormais d’être publié par Ilias Georgidias et Matilde Vittoria Laricchia à Livourne.

©Julien Coquentin
Se présentant sous format carré, L’Aval commence comme un tableau dans lequel on entre.
On peut soulever le passe-partout, laisser respirer l’image, et l’on pénètre dans une forêt d’émeraude française.
Un bouquet de fleurs nous attend dans la pénombre, que nous allons porter tout le temps de la lecture.
Une image de petite dimension d’un enfant est scotchée délicatement sur une feuille où il paraît perdu, portrait apparaissant sur le rabat d’un quadryptique que l’on déplie avec soin.

©Julien Coquentin
Il y a sûrement un loup quelque part, une source pour s’abreuver, et une cachette secrète pour ne plus avoir vraiment peur.
Les pages que l’on tourne font bruire la forêt que l’on contemple, tous ces arbres parlant une langue d’or que nous avons perdue.
Des écorces presque mauves provoquent une paréidolie, les ramures d’un vénérable chêne ont été pliées par une tempête, le sous-bois prend une couleur de feu.

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Très attentif à ses cadrages comme à la façon dont les couleurs construisent des chemins de sens et induisent des sensations, Julien Coquentin imagine en noir et blanc la superposition d’un visage féminin sur un ensemble de fougères.
L’humain est là, partout, mais, davantage encore, tout est vivant, tout regarde, tout respire de concert.
Quelque chose doit se passer ? Quelque chose s’est déjà passé, soit la mise en place progressive d’un calme profond permettant aux spectres de se manifester.
Pour le travail subtil sur les végétaux et le frémissement des présences, on peut penser aux travaux de Silvano Magnone et de Ian Dykmans, tous deux présentés dans L’Intervalle.
« Au fil des années, écrit l’artiste sur une feuille fine insérée entre le tapis volant des pages, j’ai compris qu’une photographie est comme un lac… »

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Près de chez lui, précise-t-il, il y a un arbre appelé arbre aux sorcières.
C’est vers le corps de mystère de cette entité végétale que se dirige le photographe, prenant le temps de descendre vers la rivière, de dépasser des maisons abandonnées, comptant les pas pour ne pas s’égarer, ou espérant intimement se perdre définitivement dans la sylve obscure et merveilleuse.
« Il y a dans la lisière, confie Julien Coquentin, quelque chose qui me fascine et que je ne me lasse pas de photographier. Parce que c’est par là que l’on pénètre, que l’on s’extrait, une mince frontière entre ce qui semble visible et ce qui ne l’est plus. »

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Une lisière oui, mais pas très loin d’un vortex célébrant la lumière divine, comme chez Jérôme Bosch cherchant à la façon de Dante à traverser l’Enfer.

Julien Coquentin, L’Aval, textes (français/anglais) Julien Coquentin, édition Ilias Georgidias & Julien Coquentin, book design Matilde Vittoria Laricchia, réalisation à la main Eugenia Koval, Origini Edizioni (Livourne), 2024 – 250 exemplaires numérotés et signés

https://origini-edizioni.myshopify.com/products/laval-julien-coquentin-2024

https://juliencoquentin.com/laval

https://www.lamaindonne.fr/auteurs/julien-coquentin/

https://www.filigranes.com/livre/gast/

https://www.leslibraires.fr/livre/23824836-gast-julien-coquentin-filigranes?affiliate=intervalle