Tadao Ando au château La Coste, l’esprit de la culture

Il est dans le Lubéron, au Puy-Sainte-Réparade, à quelques enjambées d’Aix-en-Provence, un lieu d’exception, qui pourrait être toscan s’il n’était occitan, le château La Coste.

Domaine de deux cents hectares dédiés au vin, aux arts, et à l’esprit qui les anime, le château La Coste offre ses terres aux bâtiments d’architectes prestigieux (Jean Nouvel, Richard Rogers, Renzo Piano, Oscar Niemeyer, Frank Gehry, Tadao Ando) et d’artistes de renommée internationale (Louise Bourgeois, Jean-Michel Othoniel, Alexander Calder, Sean Scully, Donald Judd, Richard Serra).

Commandées par le collectionneur et homme d’affaires irlandais Patrick McKillen, ces œuvres créées in situ ajoutent de la beauté à la beauté, si bien que le promeneur – le domaine est accessible à tous depuis le printemps 2010 – y abandonne facilement ses résistances quotidiennes pour le plaisir de fêtes galantes imaginaires.

Cette impression de hors-temps y est particulièrement perceptible dans les bâtiments que l’architecte japonais Tadao Ando (prix Pritzker obtenu en 1995) a conçus pour cette nouvelle Cythère, offrant aux visiteurs des espaces de méditation où les lignes épurées de ses bâtiments dialoguent avec la lumière du Midi : le bâtiment d’entrée du Centre d’art pensé comme une arche à la fois monumentale et modeste, en forme de triangle, une chapelle en verre et acier, un pavillon de bois consacré à la réflexion sur l’environnement.

Non loin des abbayes romanes du Thoronet et de Sénanque, d’inspiration cistercienne, proche de la Sainte-Victoire cézanienne, le château La Coste marie à la fois l’impression de work in progress, puisque l’aventure ne s’arrête pas là – d’autres œuvres vont rejoindre peu à peu les lieux -, et de stabilité, voire d’immuabilité, tant s’invente ici un territoire d’utopie consacré à la contemplation et au repos de l’âme.

Maître du béton armé, matière envisagée comme surface d’accueil et de refuge, Tadao Ando est aussi le concepteur du schéma directeur de l’ensemble d’un domaine où les traces romaines et celto-ligures sont encore perceptibles.

Ayant travaillé à la rénovation du Palazzo Grassi et de la Punta della Dogana à Venise pour François Pinault, Tadao Ando a pensé les lieux, à la façon du site de l’île de Naoshima au Japon, dans leur puissance quasi insulaire, leur autonomie féconde, telle qu’elle peut également sourdre de la cité radieuse de Le Corbusier à Marseille : le sentiment d’unité y est prégnant, qui est une sorte d’organicité protectrice et inspirante.

9782330020057r3 — PUY STE REPARADES CHATEAU LA COSTE VITRINE DE LA BIODYNAMIE ET DE L ART CONTEMPORAIN/PAVILLON FOUR CUBES TO CONTEMPLATE OUR ENVIRONMENT TADEO ANDO ABRITE MEDITATION BELL DE PAUL MATISSE –

La force des œuvres de l’autodidacte Tadao Ando, initiateur d’une architecture de révélation plus que d’intervention, est le produit d’une modestie fondamentale envers l’inventivité spectaculaire du vivant, et d’une vision où la géométrie est abordée dans sa puissance pythagoricienne de mystère et de soutien.

Si les formes créent des temples, propices à la venue des divinités, allons plus loin encore, et formulons l’hypothèse qu’elles sont elles-mêmes manifestations de la transcendance.

Adepte de la géométrie euclidienne, Tadao Ando active en ses bâtiments la possibilité d’une félicité perceptible par qui les visite avec un sentiment de gratitude.

Tadao Ando : « Je veux rendre la puissance de la nature présente dans la société contemporaine et fournir par conséquent la sorte de lieux stimulants qui parle directement à tous les sens de l’homme en tant qu’être vivant, pourvu d’un corps, tout en tirant des strates de l’histoire non pas une forme ou un style mais la vision de la nature qui la parcourt en profondeur – en d’autres termes, l’esprit de la culture. »