
Jusqu’où ne s’arrêtera pas le photographe belge Christopher de Béthune ?
Son dernier livre publié, Skin like winter, radicalise encore un peu plus les lignes esthétiques de ses précédents ouvrages, Pale Tales (2015), Night Ride (2015), Outland (2016), Ill Street Blues (2016), Knights in white satin (2017) et quelques autres pépites noires autopubliées.
Qu’est-ce qu’un acte de création pour Christopher de Béthune ? un fragment de survivance arraché à la nuit plutonienne des sensations, une marche aux confins du visible, une ode continue au mouvement et aux vivants qui passent.

Skin like winter, petit livre de peu, tenu par deux minables agrafes, a la légèreté d’une plume, le poids d’un corps qui chute et rencontre une extase au moment de son anéantissement.
Il y a dans la volonté obstinée du photographe de fabriquer images et livres à un rythme défiant les assis une esthétique antibourgeoise de la pauvreté sublime, du geste de panache dans la captation de ce qui se dérobe, de la poussière d’êtres saturant le cadre comme autant de merveilles d’existences réduites à de simples pluies d’électrons.

Il fait froid, il faut boire, et faire danser l’appareil de vision au rythme de l’ivresse.
Christopher de Béthune cadre ferme le crépuscule des dieux, à moins qu’il ne s’agisse de ces matins glorieux où la joie vous étreint et vous offre des ailes.
Photographier à hauteur de volatile, telle est la belle ambition d’un artiste évoluant entre pesanteur et grâce.

Les images pourraient s’évanouir, ou même n’être pas, ce sont des rescapées.
Entre l’infiniment petit et le vaste monde, la ville et la montagne, le chat et l’oiseau, l’ombre et la lumière, le barbelé et la douceur des seins d’une aimée, il n’y a pas opposition, mais mutabilité, porosité, passage.

Un dos est déjà un visage, une surface de projection.
Faire le point ? N’est-ce pas un peu vulgaire quand tout est si précaire ?
On se traîne sur le macadam, on s’arrache les peaux, on est cheval ou réverbère, ou pur départ quand tout cherche à se figer.

S’il continue ainsi à progresser dans l’ordre erratique de ses visions, il est possible que le photographe Christopher de Béthune se transforme en pigeon, ou mouette, ou nuage de particules.
Un pur œil, et non un œil pur.

Christopher de Béthune, Skin like winter, édition Luciver, 2017
Site de Christopher de Béthune

