Devenir très-vivant, par Douna Loup, romancière et dramaturge

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Finaliste du Grand Prix de littérature Dramatique Jeunesse 2017 avec Mon chien-dieu (Les Solitaires Intempestifs) aux côtés de Dominique Richard (Les discours de Rosemarie, Editions Théâtrales) et de Caroline Stella (Poussière(s), Editions Espaces 34), Douna Loup est un auteur dont l’écriture sensualiste est un principe d’amitié envers l’entièreté du vivant.

Saluée pour la beauté et la force de ses romans parus au Mercure de France (L’Embrasure, 2010, Les lignes de ta paume, 2012, L’Oragé, 2015), Douna Loup aime aussi écrire pour le théâtre et le jeune public.

Après Ventrosoleil (Les Sans-Editions, 2014), Mon chien-dieu est une pièce très singulière en forme d’interrogations dont seuls les enfants semblent avoir les réponses : «  Est-ce qu’on a le droit d’entrer dans la chambre de Papi alors qu’il est à l’hôpital ? Il a quoi, Fadi, dans la tête ? Et Zora, elle a quoi ? Pourquoi se rencontrent-ils, ces deux-là ? Ils ont quelque chose à faire ensemble ? Ils vont tomber amoureux ? Est-ce qu’ils préfèreront rester amis ? Ils voient des choses que les autres ne voient pas ? Pourquoi ? Parce que ce sont des enfants ? Ou alors c’est à cause du chien ? Quel chien ? Dieu de quoi ? Est-ce qu’on peut mourir et revivre ? Est-ce que ça existe ? C’est quoi, le papillotement ? »

Mon chien-dieu (Les Solitaires intempestifs, 2016) est une pièce de théâtre destinée en premier lieu aux enfants. Qu’est-ce qu’un enfant ?

C’est un être humain qui n’a pas encore mis la vie en cases, ou sous étiquettes.

Quelles sont pour vous les spécificités de l’écriture pour enfants, notamment dans le champ dramatique ?

Pour moi, il n’y a pas une grande différence entre écrire « pour adultes » ou « pour enfants ». Dans la salle, il y aura des adultes et des enfants, et des adultes qui ont tous été enfants. Simplement, je crois que quand j’écris en sachant que des enfants viendront voir ce spectacle, écouter ce texte, j’ai envie de m’amuser, de les amuser et de leur parler aussi de choses très sérieuses, car ça les concerne.

La pièce a-t-elle été créée ? N’êtes-vous pas tentée de mettre en scène votre propre texte ?

La pièce a été crée en avril 2017 en Suisse, et elle le sera par une autre compagnie française en 2018. Je n’ai pas l’envie de la mettre en scène moi-même.

Comment abordez-vous la question du vocabulaire ? Vous jouez par exemple avec le verbe « se morfondre ».

Je ne crois pas qu’il faille utiliser un vocabulaire pauvre parce qu’on s’adresse entre autres aux enfants. Au contraire ! C’est l’âge où on apprend des mots chaque jour ! Et j’aime jouer avec les mots, leur sonorité, leur « matière ». il me semble instinctivement que les enfants sont sensibles à cette « matière » des mots.

Comment pensez-vous la question du rythme dans la succession des tableaux de longueurs inégales ? Votre utilisation des virgules est par exemple singulière. Vocalisez-vous votre texte lorsque vous le composez ?

Il y a des temps et des rythmes différents de scène en scène dans cette pièce, comme il y a des rythmes, des pauses, des accélérations dans notre rapport à la vie, aux événements. Oui, j’aime bien lire et relire à haute voix les textes que je travaille.

Vous développez la belle idée de « la fusion du papillotement ». Qu’est-ce ?

J’invite chacun à aller à sa découverte, mais c’est une notion scientifique qui met en rapport la perception du temps et la taille de celui qui perçoit. Des études ont été faites sur de très petits insectes, comme les mouches, qui percevraient le temps au ralenti (en comparaison de nous), ce qui est dû à un rapport entre la lumière et la persistance rétinienne, quelque chose comme ça ! Je ne me souviens plus de tous les détails, mais au moment de l’écriture je me suis passionnée pour cette question et tout ce que j’ai pu lire à ce sujet.

Vos personnages, Zora et Fadi, au début de la pièce, n’ont-ils pas quelque chose de En attendant Godot, de Samuel Beckett ?

Je ne sais pas ! Ils sont dans l’ennui estival, l’ennui de l’entre deux âges, plus enfant, pas encore ado, l’ennui qui précède l’événement qui doit se produire !

Avez-vous songé à des sortes de modèles d’écriture théâtrale lorsque vous avez écrit Mon chien-dieu ?

Le moment où j’écris est pour moi un moment où je ne pense pas à des « modèles ». Je plonge dans un projet, dans une histoire, une langue, des personnages qui ont leur propre logique. Mais je ne nie pas pour autant être de toute façon pétrie d’influences qui me travaillent et travaillent mon texte, que ce soit l’influence des spectacles vus, des lectures, des films et même de la vie…

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Comment usez-vous des didascalies ?

J’en use assez peu dans Mon chien-dieu, mais je les ai utilisées pour mentionner des actions qui me semblaient importantes.

Un texte destiné aux enfants n’a-t-il pas fondamentalement une dimension initiatique ? Votre pièce pose la triple question de l’amour, de la mort et de la transmission.

J’avais envie d’explorer, de me laisser moi-même initier par Fadi et Zora et leur façon d’inventer leur rapport d’amitié qui peu à peu glisse vers le désir amoureux, en mettant en scène des sortes de rituels qui fondent ce « rapprochement » ; et puis la mort s’invite là-dedans, car la mort s’invite toujours quand on parle de devenir « Très-vivants »… alors là aussi, Zora et Fadi empoignent la question et, comme je le disais au début des enfants, ils n’ont pas encore tout caser, tout étiqueter. Ils ont un regard frais et ouvert sur ces grandes « vérités », ils déjouent les codes pour inventer des échappatoires et des belles histoires, ils sont chamans, sorciers, vivants et poètes. Ils font ce que font les très vivants, ils inventent leur rapports au monde.

Vous remerciez Ahmed Madani, « qui a suivi et soutenu l’écriture de ce texte pas à pas ». En quoi et comment vous a-t-il aidée ?

J’ai écrit ce texte dans un contexte de soutien à l’écriture qui s’appelle « Texte en scène ». C’est un soutien mis en place par la Société Suisse des Auteurs. Les auteurs soutenus ont une bourse d’écriture et un « mentor-lecteur » qu’ils choisissent eux-mêmes. Ahmed a donc suivi mon projet en cours d’écriture, il me relisait et nous discutions beaucoup. C’était un contexte très favorable à l’écriture, nourris d’échanges riches et stimulants.

Propos recueillis par Fabien Ribery

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Douna Loup, Mon chien-dieu, éditions Les Solitaires intempestifs, 2016, 64 pages

Les Solitaires intempestifs

Douna Loup participe au projet Corps pour Corps, mêlant danse hip-hop et opéra baroque, dont le thème est celui des réfugiés, sur les planches pour la première fois le 1er décembre à Aulnay-sous-bois au Théâtre Jacques Prévert

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