
La longue route de sable, voyage effectué en 1959 par Pier Paolo Pasolini le long des côtes italiennes, avait permis d’imaginer l’auteur de La Vie violente heureux.
Il s’agissait alors, pour l’intellectuel journaliste, de chercher à rencontrer physiquement son pays, à l’éprouver géographiquement, afin de le reconnaître intimement, et de, peut-être, pouvoir parler en son nom.

C’est aussi une profonde sensation d’Italie que Giulio Rimondi, jeune photographe, ange pasolinien, a voulu percevoir par les pieds, parcourant sa terre natale en tous sens, usant ses semelles de vent au rythme de l’approfondissement de son regard et de son dénuement.
Un livre publié par les éditions allemandes Kehrer rend compte de ce voyage initiatique en une succession d’images disposées sans ordre chronologique, en noir & blanc et couleurs, comme autant de seuils et de possibilités méditatives.


Le parti pris est anti-spectaculaire, ne s’interdisant toutefois ni la merveille d’un paysage, d’un lieu de peu, ni les déserts de la solitude, ni l’âpreté ou les belles incongruités du quotidien, de la rugueuse réalité à étreindre.
Routes et déroutes, astres et désastres, trébuchements, embarquements et embardées.

Giulio Rimondi traverse l’écran, fraternise à distance.
Apparaît le petit peuple d’Italie. Des personnages secondaires, tertiaires ? Des figurants ? Des invisibles ? Non, des miracles de présence, entre joies ordinaires et peines énormes.

Dans le théâtre de la nuit et des feux grégeois, il y a des étreintes douces, des drames inaperçus, des attentes, des impasses, des désirs inassouvis.
Confessions, mutisme, sommeils, rires, déceptions, pleurs. Pudeur. Ivresses.


L’Italie de Giulio Rimondi est le pays d’un Dieu moins absent qu’absenté, étourdi par la vulgarité d’un présent consumériste, marquant pourtant toutes choses de sa grâce et de son ordre.
Nous sommes ici, en Europe, mais aussi à Bethléem dans l’espoir d’un événement qui nous renouvellera entièrement.

Italiana est un livre à la couverture rouge, comme la ville de Bologne où vit son auteur, ou un missel révolutionnaire, l’air de rien.
Nous sommes malades, amoureux, presque morts, mais nous sommes sauvés.

De la Sicile au Piémont, de la Vénétie à la Ligurie, le pays qu’a découvert Giulio Rimondi est un ensemble d’îles cernées d’inquiétudes, mais pacifiées, réconciliées, par le regard d’un homme les rencontrant selon un principe d’égale importance, de précaution et de mystère, faisant de chaque point particulier de ses images un révélateur d’universel.

Giulio Rimondi, Italiana, éditions Kehrer (Berlin), 2016


