La beauté sans intention, par Peter Lindbergh, photographe

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© Peter Lindbergh / Taschen

« Ce qui n’est que beau m’a toujours ennuyé. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui est puissant et vrai. »

Peter Lindbergh est un photographe allemand né en 1944.

Ses portraits des stars de la mode, actrices, mannequins, sont connus, femmes majuscules isolées sur fond noir telles les déesses de notre temps.

Il côtoie pour le magazine Stern Helmut Newton et Guy Bourdin, inventant un style immédiatement remarquable, à la croisée de l’objectivisme documentaire et de la démarche spiritualiste, déplaçant les canons de la beauté publicitaire, tentant de saisir l’être intérieur de chaque femme, quel que soit son âge, utilisant en cela la capacité du noir et blanc à révéler une sorte de beauté atemporelle et pourtant très concrète.

Pas de retouche, mais une façon de saisir la nudité de l’âme par le visage, une présence à la fois très intime et lointaine, la connaissance  des cinémas expressionnistes allemand et russe lui permettant de jouer de la dialectique de l’incarnation et de l’absence.

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© Peter Lindbergh / Taschen

En empathie avec ses modèles, le photographe magnifie une nouvelle fois, dans un livre conçu une nuit de feu, Shadows on the wall, les actrices avec qui il se plaît à travailler humainement, humblement, fièrement, Nicole Kidman, Julianne Moore, Alicia Vikander, Charlotte Rampling, Lady Helen Mirren, Jessica Chastain, Kate Winslet, Léa Seydoux, Lupita Nyong’o, Pénélope Cruz, Robin Wright,  Rooney Mara, Uma Thurman, Zhang Ziyi.

L’âge peut être un atout quand on ne le masque pas, mais le célèbre comme une profondeur d’existence et d’esprit, telle la nature même en son ordre supérieur.

Tout commence dans un studio aux projecteurs éteints. Quelques lucioles çà et là, des hauts talons abandonnés sur le sol, une caméra percevant des brouillards d’êtres, le rail d’un travelling. Quelques habits chics pour couvrir, à peine, la nudité.

Julianne Moore : « Il aime un genre de beauté très brute et très authentique. Je ne crois pas qu’il ressente jamais que quelqu’un n’est pas beau. »

Publié par les éditions Taschen (bien sûr), Shadows on the wall est un livre de rencontres, de reconnaissances mutuelles, comme un rêve partagé, une conversation muette.

Des ombres projetées. Des paroles sans tricherie : « Les gens se font peut-être une certaine idée de vous, ils vous veulent différente ou plus sexy ou plus intéressante que vous n’êtes. Mais avec Peter, il n’y a aucun a priori. Il est beaucoup question d’histoire et de respect. Je pense qu’il a un immense respect pour tous ceux qui l’entourent, et c’est vraiment ce qui crée l’ambiance. » (Uma Thurman)

En tee-shirt, peau marquetée par le temps, Charlotte Rampling, femme, garçonne, est une icône vulnérable repoussant par la fermeté de sa bouche une mélancolie trop assassine pour ne pas être tue.

Il semble ici que le photographe permette à chaque femme d’assumer, sous son regard, sa propre liberté, sans se soucier de la manipulation des apparences.

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© Peter Lindbergh / Taschen

Ainsi Helen Mirren ne cherche-t-elle pas à séduire, mais à être, face à l’objectif, une totalité de vie.

Aucune impudeur en ce livre, mais des regards intérieurs, des destins de femmes terriblement séduisantes, posant pour le photographe virtuose, et paraissant pourtant le plus souvent seules en leur logis, simplement, naturellement.

La petite Française Léa Seydoux se permet d’être elle-même, charmante, sans fard.

Noire sur noir, Lupita Nyong’o est une diva fantastique, exposant un sourire, une bouche à engloutir le monde et ses turpitudes.

Comme nous tous qui avons suivi de près en loin sa carrière, Nicole Kidman a vieilli, peut-être, mais c’est toutefois toujours elle qui mène la danse, avant que de laisser place à l’intemporelle et capiteuse Pénélope Cruz.

Il ne s’agit pas ici de déterminer qui recevra la pomme d’or au jardin des Hespérides – nous aurions trop peur de perdre Hélène -, mais de contempler ces souveraines, habitant le temple d’un livre destiné à les préserver des observations vulgaires.

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Peter Lindbergh, Shadows on the wall, art director Juan Gatti, éditions Taschen, 2017

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