Un hiver en Galilée, la vérité du grand repli, par Didier Ben Loulou

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« Plus une chose est innocente comme le pain et l’eau plus elle me paraît lumineuse. »

Il fait épouvantablement chaud, les plages sont bondées, Dieu semble s’être retiré de la création.

Et si vous alliez passer dans quelques mois, maintenant, c’est un livre de Didier Ben Loulou chez Arnaud Bizalion Editeur, Un hiver en Galilée ?

On inverse les saisons, commence par la fin, où se trouvent les photographies, le colophon est au début.

On peut prier, psalmodier, se balancer un peu d’avant en arrière, mais rien d’obligatoire.

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Les quatre-vingts premières pages sont des asphodèles ayant percé le gel recouvrant les tombes, un tapis de mots, le journal non daté d’un séjour solitaire passé à Safed, en Galilée, ville sentinelle située à 9OO m au-dessus du niveau de la mer, l’une des quatre villes saintes juives avec Jérusalem, Hébron et Tibériade.

A Safed, les synagogues et le cimetière sont bleus, car la tradition kabbalistique s’y trouve bien.

Il s’agit donc d’une ville d’étude et de mystère.

Cherchant à approfondir son chemin spirituel, Didier Ben Loulou s’y est installé, pour y dormir en paix, y traîner, y réfléchir à son art, qui est de la vie brute sculptée dans le visible.

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« Une bonne photo doit être le reflet d’une vie à l’écart de toute violence, d’un exil intérieur. »

« C’est peut-être quand une chose est justement pour moi susceptible d’être soutenue du regard que je peux et me donne la permission de photographier. »

Accueillir l’insaisissable, voilà l’enjeu, qui nécessite de partir du centre de la ville, le cimetière.

Accueillir le simple est un combat.

Domine ici la silhouette du mont Meron, ce brave, point culminant d’Israël, ce centre impossible de tous les centres, quand les photographies sont des carrés rêvant d’être des cercles.

Didier Ben Loulou est à Safed pour apprendre à vivre, se laisser surprendre, ravir, accéder à la parole au-delà de la parole.

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Rien de moins évident, rien de moins nécessaire.

Peut-on accéder à l’Absent(e) de toute image, même installé à demeure dans une Yeshiva ?

« J’aime l’inachèvement en art. »

Le silence paralyse, avant que d’animer chaque chose d’un souffle de vie pure.

Les lettres sont des porches, comme les visages ou les cailloux recouverts de neige.

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« Tout mérite ce matin d’être photographié, ce souffle libre qui parcourt les bois, les ruelles étroites, les tombes du vieux cimetière. Il n’y a pas de règle pour ressentir, éprouver les choses. De temps en temps, comme en un éclair, on trouve un bref accord avec l’infini, alors c’est comme un renoncement, on se laisse pénétrer par la morsure du froid. »

Il faut errer jusqu’à l’abandon de soi, apprendre à remercier.

« Cette ville m’aide à habiter le cours monotone du temps. »

Rigueur, discipline, marche, recherches de correspondances, tentatives d’allégement.

« Tout est énigme, y compris moi ce matin sur cette chaise à essayer d’échapper à cette folie meurtrière qui gagne le monde. »

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Tout est grâce aussi.

Denken ist danken, dit Heidegger.

Poursuivant ses réflexions de Chroniques de Jérusalem et d’ailleurs (Arnaud Bizalion, 2016), Didier Ben Loulou s’interroge sur le mal, la solitude, l’amour.

On peut faire l’aller et retour entre les photographies et le texte, entre une grenade pourrissant sur branche et les mots en grappes, entre épiphanies et épitaphes.

On peut essayer de s’approcher de l’invisible.

On peut s’enchanter avec l’auteur, descendant de la diaspora de Castille, d’une rencontre de hasard, c’est-à-dire de la belle Rebecca, spécialiste de Georges Bataille, avant que de poursuivre à son ascèse et de continuer à photographier des livres de pierre, l’aura des lettres.

On peut chercher à reconstituer par fragments une mémoire disparue.

Mais, prie-t-on mieux en enfer ou au paradis ?

Il faudrait pour le savoir peut-être interroger l’étudiant Nahman, double que ne cesse de croiser l’auteur, ou rabbi Nahman de Braslev, le sage : « Chaque jour il faut danser, fût-ce seulement en pensée. »

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Didier Ben Loulou, Un hiver en Galilée, Arnaud Bizalion Editeur, 2018

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