
« Acquiesce / aux humbles fidélités de la terre / comme à la rédemption des ciels. »
C’est un livre où le texte et les images se rencontrent pour créer un chemin de spiritualité.
Ce sont des poèmes écrits par un moine, frère Gilles, et des photographies prises par Philippe Kohn depuis dix ans, afin de célébrer un lieu de recueil et de prière, l’abbaye de Landévennec, dans le Finistère, dont on fête en 2018 le 1200e anniversaire.
En 818, en des terres extrêmes bordées par la mer et les forêts, fut ici adoptée la Règle de saint Benoît.

Tout paraît en cette enclave sacrée depuis tant de siècles simplicité, évidence, mystère.
Chargé d’une densité de présence considérable, chaque objet du quotidien y est un reflet de l’amour divin, jusqu’aux pinces à linge de la buanderie.
L’invisible est une puissance ordonnant les apparences, et les déliant en formes abstraites très pures, comme chez Brancusi ou dans l’atelier d’Alberto Giacometti.
Aucune présence humaine dans cet opus de haute lumière, mais des arbres chenus, noueux, rayonnant de vie.

« Béatitude de se taire / ensemble, // d’échanger seulement / des regards entendus. // Frères, le Verbe a tant à nous confier. / Il ne sied pas de faire la sourde oreille. »
Qu’entend-on lorsqu’on écoute la parole dans la parole ?
Que voit-on lorsqu’on ferme les yeux pour confier à la nuit notre abandon ?
Quelle est la source du feu qui nous inonde de joie ?
« Riches de ce qui nous manque, / la grâce enfin / serait d’être touchés / à l’invisible de ce que nous sommes. »

Il y a dans les bois ces géants qu’André Breton appelait les Grands Transparents.
Ici, c’est une plume d’ange, là Ce-qui-ne-se-nomme-pas.
Dans les images données par Philippe Kohn, l’intérieur et l’extérieur ne cessent de dialoguer, d’intériorité à intériorité.
Espaces du dehors, espaces du dedans, espèces d’espaces énigmatiques et de grande clarté.
Un bouquet sur une table, un mur en crépis, des arches conduisant à la source de tous les phénomènes comme dans l’Annonciation de Piero della Francesca que l’on voit à Pérouse.
Une femme de pierre tient par l’épaule son enfant, c’est une vasque ou une stalle couchée dans la feuillée d’Armorique. Elle y repose depuis plusieurs centaines d’années, elle sourit et nous transmet sa grâce.
On entend la voix de frère Gilles Baudry : « On viendrait, paraît-il, de loin / pour écouter les moines se taire / mais le silence est moins ce qui se tait / que ce qui nous éclaire. »

Le beau défi d’inventer un poème qui se tait.
La lumière reçue dans un couloir est une substance amniotique, d’où nous pouvons renaître.
Le temps a déposé ci et là sa poussière, Dieu est une infinité d’atomes.
Il se cache dans les détails.
D’ailleurs, il ne se cache pas.
Gilles Baudry & Philippe Kohn, haute lumière, préface de frère Jean-Michel Grimaud, éditions Locus Solus, 2018, 80 pages
Magnifique ! Les images, les mots, la voix de frère Gilles et les mots de votre voix aussi, merci
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