Change plus vite que le cœur, par Sandrine Marc, photographe

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© Sandrine Marc

Réalisé de façon très artisanale, mais avec beaucoup de professionnalisme et de soin, Change plus vite que le cœur est un ouvrage de la photographe Sandrine Marc issu de déambulations urbaines.

En ces pages, la ville apparaît comme un territoire aussi minéral que mouvant, un ensemble fourmillant de signes inaperçus.

Travaillant le jeu des analogies possibles entre le minéral et le végétal, Sandrine Marc recrée par ses images un espace de métamorphoses incessantes et de formes en dialogue.

En ces lieux, l’humain est une donnée parmi d’autres d’un ordre supérieur inventant ses propres lois.

Tiré à soixante-dix exemplaires, Change plus vite que le cœur est aussi précieux, fragile et fort qu’une goutte de rosée posée sur du béton.

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© Sandrine Marc

Le titre de votre livre Change plus vite que le cœur évoque nombre d’auteurs, en littérature, au cinéma. Pouvez-vous le déplier un peu ?

« Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville, / Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel) » Oui, c’est un vers de Baudelaire extrait du poème Le cygne, il fait partie de la section Tableaux Parisiens des Fleurs du Mal. Ce vers a inspiré beaucoup d’auteurs. La forme d’une ville, c’est le titre d’un livre de Julien Gracq, celui d’un recueil de poésies de Jacques Roubaud, c’est aussi le titre d’un documentaire réalisé par Eric Rohmer et Jean-Paul Pigeat sur la ville nouvelle d’Evry. Le titre est le seul élément texte de l’ouvrage, il entre en résonance avec les images.

Votre livre est fait main. Cette dimension artisanale n’est-elle que de contrainte, ou comporte-t-elle une vision politique du monde de l’édition et de l’acte de création ?

C’est en faisant que je construis mon travail. Faire avec peu de moyen oblige à trouver des solutions. La forme de Change plus vite que le cœur découle de ces conditions de création, conditions très modestes mais qui ont le mérite d’assurer une liberté totale.

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© Sandrine Marc

Qui est Myriam Barchechat avec qui vous avez travaillé ? La couverture au motif géométrique de votre ouvrage est l’une de ses inventions.

Myriam Barchechat est designer graphique. On s’est rencontrés pendant nos études à l’ENSAD. On avait envie de travailler ensemble depuis un moment, l’occasion s’est présentée lorsque j’ai été invitée au Bourget. Ce livre est le résultat de nos échanges, on a construit l’éditing ensemble.

Vous été accueillie au Bourget dans un lieu de création appelé La Capsule. Qu’est-ce exactement ?

La Capsule est un lieu de résidence et de production photographique en lien avec le centre culturel André Malraux, j’y ai exposé mon travail au printemps dernier. Cette proposition s’est faite de manière soudaine, je disposais de trois mois pour montrer l’exposition, je l’ai acceptée comme un défi pour produire un nouveau multiple. J’ai utilisé le copieur numérique noir et blanc qui se trouve dans le bureau de la secrétaire pour imprimer le livre. J’aime le rendu brut et la trame d’impression de cette machine.

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© Sandrine Marc

Les images de Change plus vite que le cœur ont été collectées entre 2011 et 2017 dans le quartier de la ZAC Paris Rive Gauche et les allées du Jardin des Plantes. J’imagine que votre livre a dû en éliminer beaucoup. Comment avez-vous opéré vos choix ? Le principe de l’analogie formelle entre le minéral et le végétal a-t-il guidé votre regard ?

Ma pratique se compose de plusieurs temps : celui de la prise de vues et celui du montage. J’ai besoin de laisser reposer les images assez longtemps avant de les assembler. J’ai édité une première sélection très large : 800 images, toutes prises à la verticale. J’ai montré cette matière à Myriam. La première étape a été de les classer par thèmes, puis sur Indesign j’ai installé les images dans l’espace de la page que j’avais défini, j’ai réduit la sélection à 200 photographies que j’ai imprimées en page simple au format du livre. A partir de là, on a construit des doubles pages, des vis-à-vis qui reposent sur des analogies formelles entre végétal et minéral.

Comment êtes-vous venue à la photographie ? N’êtes-vous pas essentiellement par votre esthétique une plasticienne ?

Lorsque je suis rentrée à l’école des Arts Décoratifs, en première année, chaque vendredi, un professeur nous donnait une pellicule noir et blanc, on avait une semaine pour prendre 36 vues, puis on développait le film, on faisait une planche contact, et on choisissait une photo qu’on tirait à l’agrandisseur. Ça m’a plu ! Ce professeur m’a conseillé de ne pas étudier la photographie, j’ai suivi ce conseil en choisissant la section Design graphique / Multimédia. J’ai continué à pratiquer la photographie de manière libre.

Plasticienne ? Oui, peut-être. Je ne me suis jamais posée cette question, je n’aime pas trop les catégories.

Le travail photographique d’André Mérian sur la ville, les non-lieux ou lieux de transit, a-t-il pu inspirer votre démarche ?

Je connais mal son travail, mais je l’ai écouté parler récemment à la radio et je me sens proche de ce qu’il dit.

Votre livre ne porte-t-il pas en son cœur l’interrogation heideggérienne : « Comment habiter poétiquement le monde ? » ?

« Habiter poétiquement le monde », très belle expression de Hölderlin ! Oui, créer c’est une manière de résister, c’est là que réside l’engagement politique d’une pratique artistique.

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© Sandrine Marc

Qu’avez-vous lu de fécondant durant vos années de recherches entre 2011 et 2017 ? Georges Pérec ? Des ouvrages sur l’architecture ?

Espèces d’espaces de Georges Pérec et La dimension cachée de Edward T. Hall sont deux livres que j’ai découvert pendant ma première année d’étude à l’ENSAD en 2000, je m’y réfère régulièrement. J’aime beaucoup City Metaphors de Oswald Mathias Ungers.

Quels sont vos travaux/idées/souhaits artistiques actuels ?

Je produis plusieurs corpus en même temps, un grand nombre de photographies dorment dans mes disques durs… J’espère rencontrer les bons interlocuteurs et créer les bonnes conditions de travail pour les activer et les rendre visibles.

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Sandrine Marc, Change plus vite que le cœur, autoédition, 2018 – 109 photographies, 70 exemplaires numérotés

Sandrine Marc

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L’ouvrage de Sandrine Marc a été présenté lors de Rolling Paper #2, au BAL (Paris), festival de l’édition photographique indépendante ayant lieu du 31 août au 2 septembre 2018

Aller au BAL

Change plus vite que le coeur est sélectionné pour concourir au prix « Révélation livres d’artistes » organisé par l’adagp et Multiple Art Days. Il sera présenté lors du salon MAD qui aura lieu à la Monnaie de Paris du 14 au 16 septembre 2018

MAD

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