Les instants décisifs de Djan Seylan, photographe

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© Djan Seylan

Né en 1938 à Genève, Djan Seylan a hérité de son père, chirurgien turc (sa mère est suisse-allemande), d’un œil d’une redoutable précision.

Connu dans le petit milieu des amateurs de livres de photographie comme un grand collectionneur, Djan Seylan est aussi photographe, montrant aujourd’hui dans On My Own (Filigranes Editions) un corpus d’images issues de soixante ans de travail et de voyages innombrables (1957-2016).

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© Djan Seylan

Ordonné de façon non chronologique, On My Own, dont la couverture rouge théâtre laisse imaginer   un périple entre rêve et réalité, choisit de regrouper ses photographies en six parties, en fonction de sphères géographiques apparaissant comme visuellement cohérentes : Turquie, Iran, Egypte / France, Grèce, Italie, Portugal / Madagascar, Haïti, Cuba / Thaïlande, Birmanie, Indonésie / Corée du Sud, Taïwan / Sri Lanka, Inde.

Précision des lignes, placement des personnages dans l’espace, sens de la scénographie, points d’équilibre forment le vocabulaire esthétique de Djan Seylan, dont le maître est incontestablement Henri Cartier-Bresson.

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© Djan Seylan

Il y a chez lui une recherche d’harmonie constante, doublée d’une douce surréalité reflétant les mystères de la Providence, ou tout du moins la présence d’un ordre souverain transcendant les êtres et les choses perçus d’abord dans leur force d’apparition immédiate.

A propos de son utilisation du noir et blanc (les tirages sont ici superbes de contrastes, dans un grain perceptible au toucher), Brigitte Ollier précise : « Même s’il n’a pas l’âme d’un classique, Djan Seylan est attaché à ce noir et blanc qui lui permet, tel Victor Hugo, « d’admirer l’admirable et de [s’en] tenir là. » Le noir et le blanc lui va bien, entre aube et crépuscule, soleil et obscurité, et la griserie de se croire invisible. »

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© Djan Seylan

Attentif aux hasards qui n’en sont pas, l’artiste se rend sensible, lors de longues marches le rendant disponible à ce qui surgit, à l’instant décisif/fugitif lui permettant de percevoir en un éclair, au-delà de la belle comédie humaine, et de la joie du spectacle de la vie, les compositions involontaires des corps dans l’espace, dévoilant l’énigme d’une géométrie leur préexistant.

Il est ici souvent question de regard (qui regarde qui, où se portent les yeux), et de juste distance, nombre de photographies témoignant d’une place très discrète occupée par l’observateur absorbé par le paysage dont il est l’un des points mouvants et fixes.

Le Leica permet la vitesse, celle d’un aigle sans serres.

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© Djan Seylan

La clarté des compositions se nourrit d’étrangeté et de profondeur de temps dans des scènes saisies dans leurs abstractions très concrètes, de chair et de sensualité.

Djan Seylan photographie des dos qui sont d’autres lui-même, les travaux des jours des hommes et femmes des peuples de la terre gorgée, voire accablée, de soleil.

Il y a dans son devisement photographique une sensation de sacré omniprésente, non celui issu des dogmes et des intolérances, mais celui des petits riens et des silhouettes formant la vaste fresque des humains habitant poétiquement, naturellement, le monde.

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© Djan Seylan

La beauté n’est pas perçue chez lui comme une valeur superflue, mais comme ce qui véritablement nous réunit, par-delà nos divisions, la diversité de nos visages et de nos complexions.

Des femmes se lavent à l’eau de source, quelque part en Birmanie, des enfants jouent au Sri Lanka, un homme se baigne dans le Gange, d’autres dansent en Crète.

Les prophètes du malheur, dont l’œil est sec, craignent la beauté, qui dénonce leur vilenie maquillée de lucidité.

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© Djan Seylan

Djan Seylan, On My Own, texte de Brigitte Ollier, traduction (anglais) Gray Sutherland, Filigranes Editions, 2018, 168 pages

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Filigranes Editions

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© Djan Seylan

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