
En anglais, le mot womb désigne le ventre, l’utérus, la matrice.
C’est aussi le titre que donne à son premier livre la jeune photographe Lucile Boiron, ancienne élève de l’Ecole Nationale Louis-Lumière de Paris.
La chair s’y expose dans toute sa crudité, belle ou écœurante, de chair humaine ou de fruit.

Voici un livre de douceur et d’épouvante, un livre anthropophage imaginant quelque cérémonie secrète et sanglante.
L’appareil photographique se fait microscope, scrutant des détails, des bouches, des langues, des bourrelets, des mains ridées dans une fête des sens allant jusqu’à la nausée.
Les générations s’entremêlent dans une vaste dévoration générale.

On mastique, on arrache, on suce, on lèche, on croque, ou lape.
Tout saigne, tout crie, tout jubile et se déchire.

Un poisson éventré, le sexe d’une tomate, un oiseau mort, une grenade explosée.
C’est le supplice des cent morceaux décrit par Georges Bataille, l’accomplissement de la vie jusque dans la mort.

Une veine éclate, des boutons vont éclore, des grains de beauté apparaissent.
La peau est un parchemin promis à la destruction, à la morsure du temps, à la salissure.
Lucile Boiron invente sous le soleil qui rend ivre quelque nouveau rite païen, mexicain, aztèque peut-être.

Travaillant en coloriste, l’artiste sculpte les chairs et les angles, fascinée quelquefois par la sensualité de l’infâme.
Son livre est artaudien, c’est un théâtre de la cruauté, où les épidermes sont à vif, agaçant l’esprit et les nerfs.

Womb, dans son organicité même, est aussi une méditation sur le temps, la fertilité, la jouissance, et l’arrivée de la sécheresse.
Womb est un nez qui saigne, le carnavalesque d’une varice, ou le sein rond d’une adolescente sortant de l’eau.
Lucile Boiron, Womb, edited and designed by Tony Cederteg, texte (anglais) de François Cheval, Libraryman, 2019 – 500 copies

Étonnant ! Merci pour ce partage mais cela sera sans moi!
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