
Il est évident que la grève générale est un préalable à toute discussion dans la bascule des rapports de force.
Il est évident qu’un certain nombre de secteurs clés de l’économie doivent être nationalisés, et que l’hypothèse communiste n’en est encore qu’à ses balbutiements.
Il est évident que les pulls noirs à capuche ont de l’avenir, de même que les masques et les collyres, onction des saints laïcs d’aujourd’hui.
Il faut se fondre dans la nuit, opérer dans la métamorphose, agir dans la déroute et les chemins de traverse.
Etre là puis disparaître.
Disparaître puis être là, dans l’imprévisibilité de la tactique.

La Terre prend feu, la France se consume, et il faut de plus en plus de courage pour transformer la violence en douceur d’alliance.
Dans l’émeute, les gaz lacrymogènes et les charges de CRS, le photographe Ulrich Lebeuf est là, pour la presse, depuis plus de vingt ans.
Que comprendre des rages et des impasses, des colères et des coups de sang, des cris de justice et des pluies de matraques ?
Fraternité avec la police, avec la mamie sans le sou, avec le jeune SDF, avec l’étranger exilé.
Fraternité avec la police, avec le père excédé, avec l’enfant survolté, avec la mère étranglée.
Fraternité avec la police, avec le misérable, avec le dépossédé, avec le méprisé.
Fraternité avec la police, avec l’étudiant en médecine, le métallo, le cheminot.

C’est le chaos, et, mieux encore, le Khaos primordial, qui est un livre très personnel d’un photographe ayant quitté l’anecdote pour le noir même de l’image, et son grain, ses poussières millénaires, sa possibilité de lumière et d’immémorial dans le regard d’Erèbe.
Nous sommes à l’aube d’un monde nouveau, d’une destruction majeure, d’une renaissance dans l’asphyxie.
Nous sommes des étoiles chues, des mains qui se prennent, des visages qui se frottent, des pleurs et des joies immenses.
Tu es là, camarade, viens, je t’offre la protection de mon corps.
Zeus est un déluge de cailloux, un nuage toxique, une peinture tachiste.
Parades, katas, catastrophe.
C’est la levée des antihéros sous l’œil de la Camarde.
Provocations, insultes, répression.
Flic mon amour, tu es une fleur noire, mon frère de misère.
Rentre avec moi dans la danse, regarde, ici, dans l’instant de révolution, les filles sont les plus belles du monde, et nous sommes enfin tous de la même espèce.
Pour l’heure, c’est encore camp contre camp, casque contre bandana, tir de flashball contre bouteille en verre.
Le pouvoir a fait de toi une ombre, un fantôme, une épouvante.
Tu es fort, mais tu es seul.
Nous vivons le même engloutissement, les ténèbres l’emportent, mais il nous reste la peau, le peau à peau, la tendresse et la révolte ensemble.
-je dédie ce texte à Sylvain George et Stéphane Charpentier-
Ulrich Lebeuf, Khaos, Les Editions de Juillet, 2019, 60 pages
Ulrich est membre de l’agence MYOP depuis janvier 2007
Dans le cadre du festival PHOTO MARSEILLE, Ulrich Lebeuf exposera à la galerie Fermé le Lundi (Marseille), du 23 novembre au 19 décembre 2019
Vernissage le vendredi 22 novembre à 18h