
Aux misères des ruminations poétiques et des angoisses existentielles, on peut préférer la vie en Technicolor et les profusions de lumières.
Au manque, au rabougrissement, à la honte, on peut préférer les bains de mer et le spectacle de la beauté des belles alanguies.
Au rétrécissement, à l’exiguïté, aux habitats troglodytiques, on peut préférer le plein air, la luxuriance végétale et le grand format des passions folles.

Au noir & blanc dépressif et aux effets de flou post-atomique, on peut préférer le rouge vif d’une fleur sauvage, le velouté d’une cuisse féminine et la belle obscénité d’une plante exhibant son intimité.
A l’ordre mortifère des normopathes, l’anarchie d’un verre de lait se fracassant sur le sol.
Aux cieux en déluge, le feu d’un crépuscule annonciateur de fête.

Aux impasses, les ouvertures.
A l’étroitesse du coït hebdomadaire, les ovules en délire.
A la tempête, le calme souverain.

A la culpabilité, la gloire.
Aux lits impeccablement dressés, la danse des tissus et des pieds enlacés.
A la froide monotonie de la banalité ordinaire, le luxe sans retenue.

A la promiscuité imposée, les sociétés secrètes.
Au tapage des foules, le bonheur des happy few.

Aux lucidités accablantes des forts en thèmes, le sommeil des innocents.
Aux petites intrigues du roman familial français dénoncé par Deleuze, la série B classieuse d’un maître du roman noir comme Dashiell Hammett.

Au lamento, le swing.
Voilà pourquoi je préfère aujourd’hui à toute autre chose, alors que les nuages s’assombrissent (ne suivez pas mon œil gauche), Red Harvest de l’hypersensualiste Marguerite Bornhauser.
Marguerite Bornhauser, Red Harvest, texte Simon Baker, traduction (anglais) Stéphane Corcoral, Poursuite Editions, 2019
