
Avec Lunario, Les éditions MACK poursuivent leur vaste et belle entreprise de (re)découverte et de reconnaissance de l’œuvre du photographe italien Guido Guidi – livres précédents présentés dans L’Intervalle.
La lune pour Guidi n’est pas qu’un astre tournant passivement autour de la terre, mais une manière de structure sphérique ne cessant d’entrer en interaction avec les vivants qui passent, les enfants, les paysages, les végétaux.
Lunario n’est pas un précis d’astronomie, mais une très fine et magnifique méditation sur la distance, les ordres de grandeur et les correspondances formelles.

C’est un petit garçon traçant dans le sable un cercle, une petite fille lançant son ballon contre un mur, une bille où réinventer sa présence, l’objectif même du photographe.
Interrogeant la poétique même de l’œil photographique, Lunario est une matière expérimentale, très contemporaine en ses multiples propositions.
La chute d’une pomme symbolise depuis Newton l’attraction terrestre, mais le fruit cézanien, à bien le regarder avec Guidi en 1967, deux ans avant que les premiers Américains ne marchent sur la lune, est aussi une promesse de mystère et de conquête, un doux défi pour l’esprit, une volupté si proche et pourtant encore inaccessible.

La lune, c’est le visage de Persona, ses deux parties assemblées comme on tente l’impossible conciliation du jour et de la nuit.
La belle se déforme, s’enlaidit, s’anamorphose, c’est la rencontre du rêve de Méliès et d’une épouvante à la David Lynch.
Le croissant est une feuille d’automne s’involuant, la lame d’une serpe accrochée à un fil de fer, le demi-cercle d’un soupirail ou d’un oculus de palais romain.

Guido Guidi ne cherche pas à toute force à s’assurer de la logique des analogies possibles, mais se laisse enchanter, comme lors d’une flânerie, par ce qui surgit, comme s’ouvre pour l’initié des portes secrètes.
Il s’agit ici de la surface révélatrice d’un cadre photographique formant les piliers d’un temple.
Est-il vrai que la lune fasse blanchir les draps séchant dans les jardins ?

Lunario ne discourt pas, mais déplie toute une théorie de voiles et de gazes indiquant l’énigme de ce que l’on appelle la réalité, ou l’illusion.
Il y a des traces de pneus impressionnantes sur le sable adriatique. Sommes-nous ici, là-bas, ou là-haut ?
De façon très aiguë, Guido Guidi étudie les objets de réalité comme des surfaces de projection, des signes fluctuants, observant la métamorphose de la matière en énigme métaphysique, ce qui n’est pas sans rappeler le fameux film d’Antonioni, L’Eclipse (1962).
Guido Guidi, Lunario, designed by Guido Guidi & Morgan Crowcroft-Brown, MACK (London), 2019
