
« Maison d’édition publiant des projets photographiques et poétiques qui interrogent la mémoire, l’identité et l’exil avec une attention particulière portée à la relation entre image, archive et texte », Macaronibook est née de la passion pour les livres photos de Camille Carbonaro.
Pensant ses ouvrages sous la forme de fanzines, à la fois artisanaux, expérimentaux et de haute exigence formelle, ce dont témoigne le livre inaugural Mouni Mouni, Camille Carbonaro inscrit résolument son œuvre d’auteure et d’éditrice dans une pensée de la fécondité des migrations et du multiculturalisme, en ne cessant d’interroger la violence de ce qui est tu, de ce qui ne s’est pas transmis, de ce qui a été occulté des racines familiales.
S’intéressant à la question de la figure paternelle, la jeune éditrice inaugure une nouvelle collection intitulée Baleine Blanche avec le fanzine O fatche, jouant avec les archives et le mentir-vrai constitutif de la mémoire.
Macaronibook est porté par un esprit d’indépendance et de recherches permanentes, échappant pour une grande part, par choix militant, aux radars de la visibilité dominante.
Il y a chez Camille Carbonaro une générosité et une urgence de créer très belles.
Nous avons discuté de son parcours artistique, de ses envies d’éditrice, de ses convictions éthiques.

Pourquoi avoir décidé de fonder en 2016 la maison d’édition Macaronibook ? Pourquoi ce nom ? Est-ce par ironie et volonté de rappeler des racines familiales italiennes ?
J’ai découvert une passion pour les livres photos à l’ESA le Septantecinq à Bruxelles lorsque j’étudiais la photographie. Les élèves fauchés préféraient pour leur jury de fin d’année présenter un livre plutôt qu’un énorme accrochage qui coûtait trop cher. Les profs du Septantecinq gardent précieusement une série de livres réalisés par les anciens, une caverne d’Ali Baba pour les nouveaux élèves. Mes projets de deuxième et de troisième années ont donc été présentés sous la forme de livres reliés à la main, avec les moyens du bord et beaucoup d’aides. J’ai ensuite décidé d’étudier la reliure à l’Académie des Beaux-Arts de St Gilles à Bruxelles en cours du soir. J’ai mis un pied dans la communauté de l’édition indépendante en organisant un salon dans un lieu à Bruxelles en 2015 et puis j’ai participé a un premier festival de fanzines à Valencia avec mes amis les Jean Guichon Editeur, dont Billiam qui m’a motivé à faire un fanzine photo. Pour mon premier livre, je cherchais à me cacher derrière un nom. Macaroni était une évidence lorsque j’ai vu le film Me and you and everyone we know de Miranda July où la protagoniste, artiste dans la galère, donne un rôle symbolique au mot Macaroni. Et comme je ne crois pas au hasard, Macaroni me rappelait l’histoire de ma famille italienne, l’insulte pour appeler un Italien immigré en France à l’époque. Macaronibook est devenu au fil du temps une maison d’édition qui publie des projets photographiques et poétiques qui interrogent la mémoire, l’identité et l’exil avec une attention particulière portée à la relation entre image, archive et texte.
Quel fut le livre inaugural de Macaronibook ?
Le premier livre est Mouni Mouni, le fanzine photo que j’ai réalisé en quelques jours en décembre 2015 pour le Tenderete Festival à Valencià en Espagne. J’avais fait seulement cinq copies, reliées à la main avec des petits encarts, et utilisé des papiers différents. C’est devenu ma marque de fabrique. Mouni Mouni est symbolique. Il inaugure parfaitement Macaronibook. Cette publication petit format rassemble des textes écrits par ma grand-mère maternelle, mes photographies et des archives de famille. Beaucoup de personnes sont très sensibles à ce projet car il est intime et qu’on peut facilement s’y identifier. Ce dont on ne se doute pas, c’est que sur cette jolie couverture à fleurs est écrit « Mouni Mouni », une expression de ma grand-mère pour dire plus poliment et au féminin « ne me casse pas les *** ». Ma grand-mère écrivait des textes très naïfs sur sa vie, ses peurs et la vieillesse qui l’attendait au tournant. Je réédite ce livre sans cesse pour qu’il ne meure jamais car Macaronibook n’est rien sans son Mouni Mouni.

Quels sont les titres phares et moments importants dans l’histoire de votre structure éditoriale ?
Mouni Mouni est incontestablement le titre phare de Macaronibook, qui compte une dizaine de publications. Chacune d’entre elle est un questionnement à une période de ma vie. J’ai arraché mon premier cheveu blanc, ma deuxième publication est un mélange de photographies et d’archives cousues que j’avais produit il y a quelques années et qui racontent ce passage à l’âge adulte où il est impossible de faire demi-tour. J’ai édité mes propres projets durant deux ans, puis j’ai ressenti le besoin d’éditer d’autres artistes dont le travail me plaisait. Je découvrais des projets photos que j’avais envie de mettre en page et de penser en objet. Ma première expérience fut en 2018 avec le projet 515.05 d’Alex GD, photographe et filmmaker belge, qui marque un tournant pour ma maison d’édition. Alex n’avait jamais fait de livre, il me laissait une liberté totale pour publier son projet. Nous avons travaillé ensemble, échangé et mélangé nos idées. C’est la première fois que j’éditais un projet avec trois impressions différentes, laser, risographie et sérigraphie. Immigration violence de l’âme est aussi un titre phare où les encarts présents dans toutes les éditions sont beaucoup plus travaillés, ils rythment le projet, jouent avec les superpositions, ils ajoutent des éléments et en cachent d’autres.

Pourquoi un tel intérêt pour les thèmes de la mémoire, de l’exil et de l’identité, ainsi que celui de la figure paternelle, dont l’ouvrage récent Quand l’océan se retire, construit avec Billian C. semble particulièrement représentatif ? Qu’est-ce que cet opuscule mixant images du Brésil et de Guyane ?
Je suis très sensible aux histoires, celles de ma famille et celles des autres. J’aime dire que nous sommes dans ma famille, commères de mères en filles. J’écoute beaucoup de podcasts d’inconnus qui racontent leur vie, non par voyeurisme mais par curiosité. Je suis née à Marseille, une ville multiculturelle et métissée et les questions d’immigration et d’exil m’ont toujours touchée et intéressée. En France de nombreuses familles issues de l’immigration sont racistes. Ils ont besoin de faire la différence entre eux et les autres. En 2020, l’Europe se bat pour fermer ses frontières avec le reste du monde, des camps fermés sont construits pour parquer les immigrés et les Etats bâtissent des murs. Les étrangers – comme ma famille- sont devenus français en oubliant leurs vraies racines, ils se sont parfaitement bien intégrés en désintégrant leurs origines. L’art permet de s’exprimer et de crier sa rage face à ces incompréhensions. Lors de ma première résidence à la galerie Fotofabrik à Berlin, j’ai réalisé le projet Immigration violence de l’âme. Cette série est un échange avec des personnes issues de l’immigration qui vivaient depuis très longtemps en Allemagne. Je leur ai posé cette question : « Qu’est-ce qu’un étranger ? Qui est l’étranger ? Est-ce moi ou est-ce les autres ? » J’étais moi-même étrangère en Allemagne pour une courte période. La barrière de la langue et la solitude m’ont permis de créer des collages, des broderies et des photos pour exprimer cette position. Dans mon projet Pomaks Peuple oublié, je suis allée à la rencontre d’une communauté de Bulgares musulmans qui vivent dans les montagnes. Pour le reste de la Bulgarie, ils sont les étrangers car ils ne sont pas orthodoxes et qu’ils sont les héritiers de l’Empire Ottoman. Dans Appelez-moi Victoria, je me suis demandée pourquoi je ne suis plus que française ; pourquoi mes arrières grands-parents n’ont pas préservé leur langue et leurs coutumes. Lorsque j’ai exposé ce projet à Gonzaga en Italie, à Toulouse, à Paris et à Portbou, en Espagne, des personnes sont venues me voir car le projet leur ouvrait les yeux sur leurs histoires familiales, sur leur généalogie et leur origine lointaine. La mémoire collective prenait le pas sur la mémoire individuelle. La figure du père rassemble toutes ces questions sur la généalogie, la mémoire et l’identité. Le père est un personnage qui m’intrigue beaucoup. Le mien parle peu, vit sur une autre planète et a beaucoup de secrets. L’art est politique, mais il est aussi thérapeutique. Il permet d’interroger le monde qui nous entoure, d’interroger le passé, le présent et le futur.

Nous avons réalisé avec Billiam C. Quand l’océan se retire comme si nous allions voir un psy. Voilà deux ans que nous parlions de scanner les diapositives de son père (Henri C.) et puis un déclic familial a fait que nous nous sommes posés sur ce livre. Henri a perdu son père précipitamment il y a dix ans, Billiam a cru perdre symboliquement son père il y a quelques mois. Il fallait qu’il parte à la quête de ce père qui lui filait entre les doigts. Nous avons fait un editing, je me suis occupée de la mise en page et Billiam a écrit les textes. Nous avons imprimé et relié ensemble et offert le livre à toute sa famille, comme un vent frais, un renouveau, une réconciliation. Le contexte des photos prises par Henri n’ont aucun rapport avec la quête d’un père puisqu’il les a prises il y a trente ans durant son service militaire en Guyane et au Brésil. Le plus important était l’échange entre Henri et nous, qui nous donnait la liberté d’utiliser ses images.
J’ai découvert depuis quelques années de plus en plus d’artistes qui travaillent sur leurs origines et leur famille et plus précisément leur père. J’ai donc commencé à collectionner les livres – illustrations et photographies – qui parlent des pères. Prochainement, deux magnifiques livres sur le père vont sortir My father’s leg de Sara Perovic et In search of the father de Camille Lévêque.
Qu’est-ce que la collection Baleine Blanche ? En quoi son premier livre, Oh fatche, dont vous êtes l’auteure, en est-il pour vous symbolique et programmatique ?
La collection Baleine Blanche est un souhait de rassembler des artistes qui travaillent sur la figure paternelle, qui façonnent, qui fouillent, qui cherchent une image de leur père, une image du père, un idéal. Le nom Baleine Blanche s’inspire du livre de Jacques Lanzmann qui porte le même nom. La baleine blanche comme dans Moby Dick de Herman Melville n’est autre qu’une quête obsessionnelle, une quête de toute une vie. Je n’ai pas découvert La Baleine Blanche au hasard. C’est le livre préféré d’Henri C, Billiam m’a conseillé de le lire et il est devenu un de mes livres préférés.

J’ai réalisé Oh fatche en 2014. C’était mon projet de deuxième année au 75. Nous étions enfin libres d’utiliser le médium photo qu’on souhaitait. J’avais envie de créer une fiction sur mon père avec différentes matières, des archives anonymes, des photos moyens formats et 24×36. Les profs n’étaient pas du tout emballés ! Ce projet était juste une excuse pour parler à mon père, lui poser des questions et qu’il me montre les lieux de son enfance à Marseille. Mais qui était cet homme avant de devenir mon père ? J’aime dire que c’est une réconciliation photographique, même si ça n’a pas porté ses fruits. A l’époque nous avions eu en intervenant le photographe et plasticien Vincent Delbrouck qui m’avait motivée à utiliser de la matière et à m’attarder sur des assemblages et des couleurs. Il nous avait encouragés à tenir un petit carnet de bord avec des écrits et des images collectées. C’était un vent frais dans la formation de photographie. C’est donc la première fois que je faisais un livre avec un projet, avec les moyens du bord, la maquette est mythique, j’ai mélangé des reliures, le livre s’ouvre mal, un bric-à-brac de feuilles. Cette maquette a dormi des années, et puis j’ai souhaité m’y replonger pour lui donner une forme finale, pour faire le deuil de ce projet, j’y ai ajouté des textes. Ce livre représente des années de travail et de questionnements sur mon père – la psychanalyse n’est jamais finie -. Il est symbolique puisque qu’il ouvre la collection sur une série de projets qui traitera des histoires des pères (des autres). C’est peut être un besoin d’aller voir chez le voisin comment ça se passe avec son père.
Oh fatche se présente de façon profondément énigmatique, sans titre, ni nom d’auteur, ni moindre colophon. Pourquoi un tel radicalisme ?
Le colophon est bien présent, mais il est caché sur un tout petit encart avec une toute petite typo à la fin du livre. Ça ne me semble pas important de notifier mon nom en lettres majuscules et en première page. J’aime qu’on s’immerge dans l’histoire dès l’ouverture du livre. Oh fatche est une fiction de la jeunesse de mon père, finalement de n’importe quel père. Dans toutes mes publications mon nom est notifié à la fin dans le colophon à égalité avec la personne qui a conçu le livre et celle qui l’a imprimé. C’est peut être inspiré des fanzines où les auteurs ne se citent pas, travaillent collectivement et laissent leur égo de côté.

Vous aimez travailler les archives, voire en inventer. Ce trouble entre le vrai et le faux est-il selon vous constitutif du travail de la mémoire ?
Jouer avec les archives ,c’est inventer/raconter des histoires comme si ma mémoire me jouait des tours. Est-ce que je me rappelle d’un détail ? L’ai-je rêvé ? Ou est-ce que quelqu’un ne m’aurait pas raconté ce détail ? Dans mon projet Appelez-moi Victoria, j’ai collecté des fragments d’histoires de familles immigrées Italiennes pour inventer ma propre histoire familiale, alors que je pourrais encore interviewer les sœurs de ma grand-mère pour travailler sur ma propre histoire. Mais le plus important, ce n’est pas d’étudier mon nombril, c’est de faire et de créer des histoires où tout le monde s’y retrouve. Dans mes séries, je me promène sur la fine frontière entre fiction et réalité. C’est le jeu des images. Je me suis toujours demandée si Sophie Calle vivait chaque instant qu’elle décrivait ou si elle avait tout inventé. A l’heure où l’on nage dans un océan d’images, et où les médias pensent dire la vérité Vraie, les artistes sont là pour tout chambouler et tout remettre en question.
Vous êtes à la fois photographe et plasticienne, et avez une production personnelle importante. De quoi procède votre urgence de création ?
D’un besoin de s’exprimer, d’extérioriser, de parler de sujets importants. Le travail a une place capitale dans ma famille. L’expression Le travail, c’est la santé reflète sa façon de vivre. Pour exister, les membres de ma famille ont besoin de faire mille choses et de ne pas avoir trop de temps libre, de ne pas trop réfléchir. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette façon de vivre, mais j’ai l’impression que j’ai à mon tour besoin de faire mille projets pour exister. J’ai besoin d’extérioriser, de partager et de toucher à tout. J’accumule de la matière, j’imprime, je sur-imprime, je colle, je prends des photos, j’écris, j’interviewe des gens, je fais des livres, je relie… La photographie ne me suffit pas. J’aime utiliser celle des autres et celles que je trouve. J’ai des envies récentes de faire de la sculpture et des objets. J’aime découvrir et toucher à tout. On sait bien qu’on ne peut pas différencier l’œuvre de l’artiste. Pourquoi devoir rentrer dans une case ?

Pourquoi la dimension artisanale de Macaronibook – papiers très choisis, livres imprimés et reliés à la main aux Ateliers du toner à Bruxelles – vous est-elle si essentielle ?
J’ai toujours voulu gérer mon travail de A à Z. Réaliser le projet, le mettre en page jusqu’à la reliure me permet de contrôler mon objet et d’être libre de créer. Je suis moins sensible à la forme des éditions agrafées – ce qui ne change rien à mon engouement pour leur contenu évidemment – Je peux passer des heures chez Paper Factory (magasin de papier Fedrigoni à Bruxelles) à toucher des papiers et à piquer des échantillons pour ma collection. J’aime mélanger les textures, les couleurs, les impressions et rythmer les éditions avec des pages de formats différents. Les ateliers du Toner est un lieu coopératif d’impression à Bruxelles où tout le monde peut utiliser de façon indépendante les machines et imprimer ses livres. C’est beaucoup plus de travail, de temps et d’énergie que d’aller chez un imprimeur, mais c’est une liberté totale de créer l’objet que je veux. Je fais deux, trois, quatre maquettes avant d’avoir une édition qui me plaît. Je chipote, je fais peu d’exemplaires, je soigne le sujet et la mise en page au millimètre. J’aime faire des objets intimes et délicats. La démarche est très différente si j’envoie mon fichier à imprimer chez un imprimeur.
En quatre ans, comment avez-vous bâti et fait évoluer votre maison d’édition ? Quel est son assise économique et son mode de diffusion ?
Les deux premières années, j’avais juste envie de me cacher derrière un nom pour autoéditer mes projets. Puis, avec le temps, j’ai trouvé l’engouement d’éditer d’autres artistes. Macaronibook n’a aucune structure juridique, donc aucune subvention ou aide extérieure : c’est pour cela que je n’édite que trois éditions par an. Mes publications n’ont pas d’ISBN et ne sont recensées nulle part. J’ai un travail alimentaire et des commandes à côté de mes pratiques artistiques qui me permettent d’investir dans les impressions. Cette décision jusqu’ici est purement politique et militante, l’édition indépendante est pour moi une façon très claire d’être contre l’élitisme de l’art et de créer librement. Participer à des salons sur l’autoédition ou l’édition photo me permet de rencontrer des gens et d’échanger, c’est un vrai partage. Je mets peu d’éditions dans les librairies, je n’ai pas de distributeur et mes prix sont tellement bas que je ne m’en sors pas financièrement si je vends via les libraires. Cette question arrive à un moment décisif où j’ai très envie de faire plus de livres et donc où je dois me poser et réfléchir à créer une structure.
Vous avez fondé, également en 2016, la plateforme EAT MY PAPER. Qu’est-ce ?
En 2015, après l’école, j’ai exposé mon projet de fin d’année Pomaks peuple oublié dans un lieu à Bruxelles. J’y présenté mon livre autoédité – en un seul et unique exemplaire. Nous avions pensé avec les personnes qui tenaient le lieu de montrer d’autres artistes qui autoéditaient leur travail. J’ai organisé trois salons dans cet espace durant six mois. Par la suite, Recyclart, lieu culturel et alternatif bruxellois, dirigé par Vincen Beeckman, a accueilli le salon. Les premières envies à travers EAT MY PAPER étaient de rassembler mes ami-e-s photographes et mes ami-e-s illustratrice-eur-s qui autoéditaient leur projet. Il y avait à l’époque à Bruxelles le festival Culture Maison, salon d’édition d’illustration et bande dessinées et le Art book fair du Wiels mais aucun événement qui rassemblait toutes les communautés (photographie, graphisme, illustration, bande dessiné) autour de la microédition et l’autoédition. Ce projet hybride est également devenu une librairie itinérante qui a voyagé dans divers lieux à Bruxelles, à Venise et en Sicile dans le cadre de Gazebook et des ateliers et workshops sur le fanzine que nous avions donné avec William Clément, Déborah Claire, Fabien Silveste Suzor et Elsa Stubbé au FOMU à Anvers, pour des étudiants en photographie aux Beaux-Arts de Gand et à l’HELB à Bruxelles. Puis j’ai souhaité par la suite continuer seule ce projet que j’avais commencé seule pour enfin le mettre en standby, car il est difficile de tout concilier et les semaines ne comptent que sept jours. Je continue cependant à donner des ateliers fanzines – livre/objet sous le nom d’EAT MY PAPER, qui est juste un nom de plus derrière lequel me cacher.

Le choix de vivre à Bruxelles vous permet-il d’être assez facilement au contact de la jeune création contemporaine internationale ? Que vous offre cette ville en termes d’opportunités artistiques ?
Bruxelles est très riche en rencontres et compte de nombreuses communautés d’artistes. Être artiste et éditrice me permet de naviguer entre la communauté de l’édition indépendante, celle de la photographie et de l’illustration. Il y a de nombreux lieux alternatifs – Recyclart, La petite fanzinothèque belge, le Rumsteek, Le lac… – et de sublimes librairies – Tipibookshop, Peinture Fraîche… – où la culture est en effervescence. Malheureusement, il y a encore très peu de lieux dédiés à la photographie, mais pas mal d’expositions et d’événements s’organisent partout dans la ville. Il y a aussi une communauté d’artistes très talentueux du côté d’Anvers et de Gand.
En 2020, vous comptez publier dans la collection Baleine Blanche, Bois sans soif, de Martin Gallone. Pouvez-vous présenter ce livre et son auteur ?
Martin Gallone est un ami de longue date, rencontré à l’ESA le 75. Il est photographe, filmmaker et membre du collectif la Straussphere. Martin a réalisé Bois sans soif il y a quelques années avec des archives de son père – photographies et documents – dont il a hérité. Bois sans soif retrace les instants de vie d’un père que le fils n’a pas eu le temps de connaître. Ce travail me touche beaucoup et j’ai souhaité motiver Martin a ressortir ce projet, à le continuer et à ajouter de la matière pour qu’on l’édite ensemble dans la collection Baleine Blanche.

Quels sont vos rêves actuels d’éditrice ?
J’ai un besoin de collaborer avec d’autres artistes, de mélanger mon savoir-faire et mes idées avec d’autres personnes. A la fin du mois, un projet à six mains réalisé avec mes amis Mathieu Brunel et Martin Gallone sortira, où nous tentons de questionner la mise au mur et la mise en page. Je travaille actuellement avec Alaa Mansour, artiste et réalisatrice franco-libanaise. Nous allons éditer ensemble sous la forme d’un livre son magnifique projet Aïnata, documentaire qu’elle a réalisé en 2018 dans son village familial au Liban. En mai sortira également le projet Petit Rempart réalisé par Vincen Beeckman au Samu Social à Bruxelles. Je me pose des questions quant à la fabrication artisanale – je relie tout moi-même et ça prend un temps fou – j’aimerais trouver d’autres solutions sans être obligée de faire produire mes livres en Chine ou en Europe de l’Est pour réduire les coûts. En attendant, 2020 est une très bonne année riche en échanges et en partages.
Propos recueillis par Fabien Ribery
Billiam C. & Camille Carbonaro, Quand l’océan se retire, photographies de Henri C., Macaronibook, 2019
Camille Carbonaro, Oh fatche, photographies et textes Camille Carbonaro, Macaronibook, collection Baleine Blanche, 2019, 52 pages
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