© Wendy Ewald / MACK
Publié pour la première fois en 1985, Portraits and Dreams est un formidable projet mené par Wendy Ewald auprès de familles, d’enseignants et d’enfants des Appalaches, dans le Kentucky, de 1976 à 1982.
Le regard n’est pas celui d’adultes sur des enfants, mais celui des enfants eux-mêmes sur leurs camarades, leur famille, leur quotidien, ce qui change tout.
© Wendy Ewald / MACK
Initiés à l’art photographique, ces enfants issus d’écoles locales abordent le médium avec candeur, foi, et puissance.
Publié par les éditions londoniennes MACK dans une édition augmentée d’images et de récits contemporains, prises et formulés par quelques-uns des bambins ayant grandi, Portraits and Dreams est un tableau vivant du monde rural d’il y a plus de quarante ans d’une grande force visuelle.
© Wendy Ewald / MACK
Des fermes isolées, des brouettes, des bébés emmitouflés, des bandes de gamins jouant dehors en lisière de forêt.
Bien entendu, le point de vue est d’autant plus émouvant qu’il est hypersubjectif, sans tricherie, sans volonté de sophistication, en un territoire où la vie ne cesse de côtoyer la mort, notamment dans les mines.
Il n’est en effet pas rare que des accidents se produisent, ou des suicides.
© Wendy Ewald / MACK
Les enfants connaissent des secrets, dont les adultes se croient souvent les uniques détenteurs. Ils savent les drames, sont graves, mais préfèrent encore la joie de vivre aux ruminations moroses.
Voici donc une étude faite à la sauvage des mœurs campagnardes dans les années 1970 à l’ouest des Appalaches.
Les images sont en noir & blanc, parfois légèrement floues, mais peu importe puisque les regards sont si directs, si dénués de calculs, si confiants dans la stabilité du monde.
© Wendy Ewald / MACK
Les animaux sont très présents, une chèvre, un serpent enroulé autour du cou d’une petite fille, des lapins, un cheval, des chiens, une poule, un chat, des veaux.
Les cochons sont comiques, têtes tranchées plantées sur des rondins de palissades, l’atrocité se nourrissant aussi d’humour et de gloriole quand on a commis le crime.
Aujourd’hui, les petits photographes témoignent de leur enfance au pied des montagnes minières, que les images montrent dans leurs jeux et activités journalières d’autrefois.
L’un pose fièrement avec sa carabine 22 long rifle, prêt à défendre son territoire.
© Wendy Ewald / MACK
Un autre est allongé sur son vieux canasson, ou noir de suie de s’être frotté à son papa courageux.
Un enfant tient un cadre : c’est la photo de son frère aîné ayant mis fin à ses jours suite à son retour du Vietnam.
Des filles posent parmi les fleurs, divinités précaires d’une Amérique paraissant archaïque.
© Wendy Ewald / MACK
Les parents sont photographiés, très souvent en contre-plongée, le visage fatigué ou complice.
La diététique n’est pas ici une priorité, mais la puissance corporelle permettant d’assumer la dureté d’un quotidien de labeur.
Les enfants semblent ici, dans l’acte de prise de vue, responsables de leurs aînés si graves.
Heureusement, il y a les jeux, les folies, les dégringolades et galipettes.
Des années plus tard, les voici de nouveau, en couleur, racontant leur parcours.
La vie est vertigineuse, ce qu’on ne cesse d’oublier.
Wendy Ewald, Portraits and Dreams, texte de Ben Lifson, MACK (London), 2020, 160 pages