© Aglaé Bory
Il y a la gestion biopolitique des déplacés, des nomades, des immigrants, et il y a la politique du regard, de la rencontre de l’autre, de l’attention.
Dans Odyssées, Aglaé Bory a photographié des personnes en situation d’exil, demandeurs d’asile ou réfugiés, le plus souvent dans des centres d’hébergement.
© Aglaé Bory
Il faut patienter, endurer cette nouvelle épreuve, attendre que l’administration traite le dossier.
Il ne faut pas craquer, l’issue est peut-être proche, il faut tenir mentalement.
Dans ses portraits de déracinés, la photographe fixe dans le corps et le visage de chacun une tension intérieure, une nécessité de calme, de sang-froid, il serait dommage de se cogner maintenant la tête contre les murs jusqu’à la faire exploser.
© Aglaé Bory
Non, pas d’éclats, pas d’esclandres, pas de mots, l’hospitalité des plus nantis est à ce prix.
Photographiés sur leur lieu de relégation, ces exilés souvent subsahariens, ayant connu l’angoisse du passage en mer Méditerranée, semblent perdus en eux-mêmes, dans un au-delà de la mélancolie.
Des corps noirs sur fond blanc.
© Aglaé Bory
Des vies riches dans un décor pauvre.
Des familles qu’on ne reverra peut-être plus jamais, des enfants, des amours, des paysages, des odeurs.
Odyssées est un livre de grand format. Sur chaque page, du blanc et une image à parité, généralement de tonalité bleue, comme l’idéal, comme le ciel, comme les eaux, comme la mort si froide.
© Aglaé Bory
A quoi pensent-ils ?
A quoi n’osent-ils plus penser ?
Que peut bien contenir une valise si petite ?
Ils sont seuls face à leur destin, leurs inquiétudes, leurs peurs.
© Aglaé Bory
Rencontrés au Havre – on se souvient sûrement du film de Kaurismaki et du personnage de Idrissa, jeune clandestin venu d’Afrique -, ces êtres en attente paraissent à la fois d’une grande force psychique, et très vulnérables.
Aucun pathos, ou misérabilisme ici, mais une fraternité douloureuse et malmenée dans un sentiment de solitude ontologique.
Préfaçant l’ouvrage de la jeune photographe publié conjointement par Filigranes Editions et le Prix Caritas Photo Sociale, Michel Poivert le remarque : « Toute sa photographie odysséenne est travaillée par cette question du seuil, seuil entre le dehors qui entre par sa lumière et les souvenirs du dedans qui déborde ses frontières. »
© Aglaé Bory
Des bras croisés, des mains jeunes et si anciennes, le bord d’une falaise.
Des espoirs, des désespérances, des sommeils impossibles.
Et puis des flous, des éloignements, des pleurs, un drapeau français perdu dans l’azur.
Pour chaque homme, femme et enfant photographiés ici, Odyssées est un passeport de dignité.
Aglaé Bory, Odyssées, texte de Michel Poivert, Filigranes Editions / Prix Caritas Photo Sociale, 2020, 64 pages – quarante photographies couleur
Aglaé Bory est lauréate du Prix Caritas Photo Sociale – prix présidé par agnès b.