L’art au temps de Fukushima, par Michaël Ferrier, écrivain

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© Arai Takashi

Dans l’œil du désastre, Créer avec Fukushima (Editions Thierry Marchaisse), livre collectif dirigé par Michaël Ferrier, est un ouvrage important, seul de ce type en Occident, réunissant des artistes de plusieurs disciplines – arts plastiques, images fixes/mobiles, théâtre – traitant de l’ensemble des événements ayant eu lieu à Fukushima le 11 mars 2011 (séisme, tsunami, catastrophe nucléaire).

Il s’agit ici de rendre visible et de questionner ce que l’écrivain appelle « une catastrophe furtive », de faire advenir un regard, interrogateur, implacable, poétique, tout en comprenant la nécessité de ne pas disjoindre le désastre nucléaire d’une organisation du monde et de nos sociétés devenue folle, dont la pandémie virale actuelle est un nouvel exemple dramatique et profondément inquiétant.

Au moment où nous entrons dans la période du grand renfermement et des menaces tous azimuts, un tel travail d’intelligences en partage et de croyance dans la force de libération des sensibilités exprimées est plus que précieux.

Continuant avec Michaël Ferrier un entretien que nous considérons comme infini, cette conversation est une nouvelle étape dans l’approche des nécessités poétiques et éthiques d’un auteur majeur.

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© Kawakubo Yoi

Vous avez dirigé le récent volume collectif, Dans l’œil du désastre, Créer avec Fukushima, publié avec le soutien de l’Institut universitaire de France aux éditions Thierry Marchaisse. Comment avez-vous choisi les artistes intervenant dans votre livre ?

Il y a dans ce livre trois types d’artistes : des artistes relevant de ce qu’on appelle encore parfois les « arts plastiques » ou les « beaux-arts », mais qui incluent ici les pratiques les plus avancées de l’art contemporain (peintres, sculpteurs, mais aussi installateurs, performeurs), des artistes de l’image fixe ou en mouvement (photographes, cinéastes et même un daguerréotypiste) et des artistes travaillant pour le théâtre (metteurs en scène ou en espace, auteurs, et même un anthropo-dramaturge). L’ensemble relève de ce que l’on peut nommer les « arts visuels » au sens large, quelques-uns de ces artistes exerçant d’ailleurs leurs talents à la croisée de plusieurs de ces domaines (Kawakubo Yoi et Arai Takashi par exemple, qui sont à la fois photographes et cinéastes).

Étant donné le nombre et la variété des œuvres traitant de l’événement « Fukushima », il était hors de question de viser à l’exhaustivité. J’ajoute que par « Fukushima », nous entendons – car les artistes l’entendent ainsi – l’ensemble des catastrophes qui se sont produites le 11 mars 2011 : séisme, tsunami et catastrophe nucléaire (cette dernière ayant certes une grande spécificité), ce qui ouvrait encore plus l’éventail du choix. Dès lors, il y a une part de subjectivité et aussi de hasard dans ce livre : de subjectivité, car une partie des artistes sont des gens que je connais, plusieurs avec lesquels j’ai même noué des liens d’amitié, une part de hasard aussi parce que lié au hasard des rencontres et c’est très bien ainsi. Clélia Zernik, Amandine Davre, Estelle Domenach et Bénédicte Gorrillot ont également toutes apporté, en plus de leur grande compétence sur le sujet, des suggestions, des propositions, des conseils, tandis que le philosophe Hervé Couchot signe une postface magistrale : c’est un travail d’équipe. Composé ainsi, au fil des années (le projet est en chantier depuis… 2012), le livre ne prétend pas, je le répète, à l’exhaustivité. Cependant, jamais autant de voix d’artistes n’avaient été réunies et n’étaient ainsi entrées en dialogue et en résonance à ce sujet : de par son ampleur et de par la qualité des personnes qui y ont participé, c’est un livre essentiel pour comprendre ce qui se joue à la fois dans le domaine de l’art et dans la société japonaise évidemment, mais aussi, par-delà les frontières, ce qui se répercute aujourd’hui de cette situation et de ses problématiques dans notre monde de plus en plus « catastrophé ».

Pour n’en donner qu’un exemple, il est évident que ce qui s’est passé à Fukushima (et continue de s’y dérouler imperturbablement) offre de nombreux points de repère pour penser la pandémie aujourd’hui. L’art offre de ce point de vue une sorte de fenêtre d’observation et d’expression irremplaçable, non pas pour esthétiser la catastrophe, la relativiser, commencer à l’oublier ou la faire rentrer dans le grand spectacle normatif des discours institués, mais bel et bien pour commencer à la penser.

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© Akira Kurosawa

Comment « filmer ce qu’on ne peut pas filmer », photographier ce qu’on ne peut pas photographier, enregistrer ce qu’on ne peut enregistrer, « exposer l’inexposable » (Hervé Couchot) ? Quelles réponses les artistes peuvent-ils apporter de spécifique en leurs pratiques et médiums ?

Ces questions sont au cœur du sujet. On le sait, ou on croit le savoir : la contamination radioactive est inodore, intangible, invisible. C’est un problème qui a par exemple littéralement hanté le grand cinéaste japonais Akira Kurosawa, qui y revient à plusieurs reprises dans son œuvre, dans Rêves par exemple, où il met en scène l’explosion d’une centrale nucléaire et les différentes couleurs que l’on pourrait associer à un nuage radioactif (6e rêve, « Le mont Fuji en rouge », 1990). Ou bien encore dans ce film génial et longtemps méconnu qu’est Vivre dans la peur (1955), où il utilise un Mifune Toshirô littéralement méconnaissable (à contre-emploi complet de ses rôles de samouraï ou de rônin), pour lui faire jouer un vieillard terrorisé par l’idée d’une catastrophe nucléaire, ressentie comme d’autant plus imminente que ses signes avant-coureurs sont discrets ou furtifs, voire imperceptibles, à la lisière du visible et de l’invisible. De fait, tout artiste travaillant sur le nucléaire est confronté à cette difficulté : les Français Marc Pallain et Hélène Lucien par exemple ont intitulé Fukushima, l’invisible révélé la grande exposition qu’ils ont consacrée à Fukushima en 2016 à la Maison Européenne de la Photographie, et cette question est au cœur de leur travail, comme ils l’expliquent dans le livre.

Je voudrais cependant à la fois relativiser et recontextualiser cette question, qui est en passe de devenir un lieu commun du discours critique sur Fukushima (« mon Dieu, la radioactivité est invisible, comment la représenter ? »…), non pas pour lui dénier toute pertinence mais, bien au contraire, pour lui redonner toute son ampleur et son tranchant. Je m’explique : d’abord, même si on comprend bien pourquoi on peut dire que « la radioactivité est invisible », il est en partie inexact de croire que l’on ne peut pas la filmer, la photographier ou l’enregistrer. On peut en tout cas déjà la mesurer (c’est même une question-clef, comment le montrent bien Gil Rabier et Claude-Julie Parisot, dans leur film Des particules et des hommes, longuement évoqué dans le livre), on peut aussi la montrer (sur les chronoradiogrammes de Pallin/Lucien par exemple, dans les travaux de Kawakubo Yoi ou de Shimpei Takeda), et également tenter de lui trouver un équivalent plastique, sonore, olfactif ou autre : c’est justement ce que tentent de faire les artistes interrogés dans le livre – et c’est pourquoi leur expérience est si précieuse.

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© Hélène Lucien & Marc Pallain

En fait, si la radioactivité est invisible, c’est aussi assez souvent parce qu’elle est invisibilisée, ce qui n’est pas la même chose. J’évoque précisément dans le livre l’exemple des photographes de Tchernobyl (Dans l’œil du désastre : créer avec Fukushima, p. 179-180), mais nombre des artistes avec lesquels nous nous sommes entretenus évoquent de manière très claire la censure – ou plutôt les différentes formes de censure – qui pèsent sur ce sujet. Dès lors, le dévoilement de l’invisible ne relève pas seulement ici d’enjeux scientifiques ou esthétiques mais il est bel et bien toujours lié à une dimension politique, inséparablement poétique et politique : « en dehors des problèmes physiques ou techniques, qui existent bel et bien, il y a aussi une invisibilité organisée de la radioactivité, par des phénomènes de censure et de contrôle » (Dans l’œil du désastre : créer avec Fukushima, p. 179) et cette invisibilité-là me semble tout aussi problématique que l’autre, voire davantage, d’autant plus que les deux se recoupent, et qu’elles cumulent et amplifient leurs effets.

Deuxièmement, comme le rappelle l’artiste Kota Takeuchi, « l’invisibilité au sens physique n’est pas un privilège des catastrophes radioactives. La plupart des gaz et des liquides toxiques sont incolores et inodores comme dans le cas de la pollution, du terrorisme aux gaz toxiques et des virus qui provoquent généralement des terreurs invisibles » (Dans l’œil du désastre : créer avec Fukushima, p. 123). De ce point de vue, plutôt que d’une spécificité de « Fukushima », on pourrait parler d’une exemplarité ou du moins d’une certaine représentativité : en ce qui me concerne, je dirais que Fukushima est représentatif d’un certain type de catastrophes, qu’on pourrait grouper sous le nom de « catastrophes furtives » ou même de « catastrophes discrètes ». Les catastrophes ont pour ainsi dire changé de régime : pour un début d’éclaircissement de la manière dont se déploie ce nouveau régime des catastrophes, je renvoie à mon texte « De la catastrophe considérée comme un des Beaux-Arts » (Michaël Ferrier, « De la catastrophe considérée comme un des Beaux-Arts », Communications, n°96, Paris, Le Seuil, 2015, p. 119-152 – en ligne sur Tokyo Time Table : https://www.tokyo-time-table.com/fukushima-catastrophe-art-represent).

Enfin, le fait de « filmer ce qu’on ne peut pas filmer », photographier ce qu’on ne peut pas photographier, enregistrer ce qu’on ne peut enregistrer », comme vous dites, n’est pas le propre des problèmes de figuration que pose l’événement nommé Fukushima. Ce que je veux dire, c’est que l’art a toujours eu affaire à cette question, que c’est peut-être même ce qui le fonde en tant que pratique humaine. « L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible » disait déjà Paul Klee. Fukushima lui donne un poids esthétique et politique particulier, mais le mot art a toujours été chargé de cette énigme.

L’enjeu alors, est peut-être de trouver – ou de retrouver – un regard. Rendre à nouveau le regard possible, et aussi : rendre un nouveau regard possible, au sein de cette immense cécité organisée autour du nucléaire bien sûr, mais également de toutes les formes d’aveuglement plus ou moins volontaire qui caractérisent notre monde actuel. De ce point de vue, les œuvres de ces artistes ont une valeur d’interpellation énorme : malgré la sidération, malgré les difficultés incroyables (songez qu’ils sont allés jusqu’à organiser une exposition dans la zone interdite ! Don’t follow the wind, sur lequel le livre revient à de nombreuses reprises), les artistes sont au rendez-vous. Ce livre le montre, le prouve. À nous maintenant de relever le défi, individuellement et collectivement, afin de regarder en face une situation que nous avons laissée s’installer au fil des années, dans le domaine de l’écologie comme, par exemple, dans le domaine de la santé, comme le montre de manière cruelle la situation actuelle. Comme le dit le cinéaste Nobuhiro Suwa, en conclusion de l’entretien que nous avons réalisé : « On ne peut pas continuer comme si de rien n’était. On ne peut plus regarder le monde de la même manière. »

Oui, l’enjeu, c’est bien l’avènement d’un regard. Par bien des aspects, Fukushima annonce ou recoupe les problèmes que nous connaissons aujourd’hui : la faillite de Fukushima et celle de la pandémie actuelle, sans être exactement superposables évidemment, ont des ressorts communs. Elles révèlent le caractère au fond inadmissible de notre organisation du monde. Il serait temps de s’en apercevoir.

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© Kota Takeuchi

Le livre contient deux grands débats : « Paroles de photographes » et « Paroles de cinéastes » Est-ce la retranscription intégrale des deux tables rondes ayant eu lieu à l’Institut national des langues et civilisations orientales et de la Maison de la culture du Japon à Paris ?

Oui. Ces tables rondes avaient eu lieu en 2014, au moment du colloque « Penser/créer avec Fukushima », que j’avais organisé avec Christian Doumet à la Maison de la Culture du Japon à Paris et à l’INALCO, et qui forme le moment inaugural de cette aventure. Pour des raisons qui tiennent à la fois à leur thème, à leur ton et à leur format, elles n’avaient pu trouver place dans le volume Penser avec Fukushima qui avait été publié en 2016 (désormais en ligne sur le site Tokyo Time table), mais il s’y était dit des choses tellement intéressantes que je n’ai jamais renoncé à les publier. Plus de six ans plus tard, nous les reprenons donc ici. Pour « penser Fukushima », il faut une masse énorme de travail collectif mais aussi le sens de la continuité et pas mal de ténacité…

Bien sûr, comme de l’eau (radioactive) avait coulé sous les ponts (et même fuité vers l’océan), il a fallu reprendre toutes ces interventions, les actualiser et les compléter. L’ensemble des intervenants s’y est prêté avec une patience admirable et je les en remercie. C’est aussi un signe : depuis la catastrophe, chacun d’entre eux n’a cessé d’y réfléchir, d’y faire retour même. Le photographe Thierry Girard par exemple a encore des projets très intéressants sur ce sujet, Watanabe Kenichi y a consacré pas moins de trois films (réunis sous le titre Notre ami l’atome chez Gallimard, Coll. L’Infini, en mai 2021) et, à l’heure où je vous parle, Minato Chihiro est une nouvelle fois sur le terrain. Fukushima est un événement qui a impacté la vie de ces gens, leur vie personnelle comme leur pratique artistique, de manière profonde et durable.

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© Thierry Girard

Pour faire évoluer les consciences, certains des artistes que vous avez sélectionnés ont-ils choisi la stratégie du scandale ou de l’inconvenance ?

Oui. Exemplairement, Chim↑Pom, ce groupe de jeunes artistes, brillants, inventifs, insolents. Ce n’est pas pour rien qu’ils ouvrent le livre, car ils sont à la fois formidablement pertinents et impertinents. Chim↑Pom travaillait déjà sur la question du nucléaire avant le 11 mars 2011, mais il est clair que cet événement les a fait passer dans une autre dimension, notamment dans la réception qui leur est faite. Ils signent, de manière scandaleuse et inconvenante comme vous le dites, le retour d’enjeux politiques au sens large : une dimension qui avait été peu ou prou mise en sourdine dans l’art contemporain japonais.

Ils ont plusieurs faits d’armes à leur actif, par exemple celui de s’être rendus dans la zone interdite, un mois tout juste après la catastrophe, le 11 avril 2011, vêtus de combinaisons de radioprotection qui n’étaient pas des déguisements, pour une performance artistique filmée consistant à repeindre le drapeau japonais aux couleurs du trèfle radioactif symbole de l’énergie nucléaire, avec la centrale nucléaire dévastée de Fukushima en toile de fond. Il y avait là un acte esthétique et politique fort, intelligent et courageux à la fois. (pour des images et une analyse de cette performance, voir https://www.tokyo-time-table.com/fukushima-catastrophe-art-represent). Par la suite, ils se signaleront à nouveau par plusieurs interventions du même type (mais en même temps sensiblement variées) dans l’espace public. Les membres de Chim↑Pom se définissent eux-mêmes comme des Geijitsu jikkôhan, c’est-à-dire des « perpétrateurs d’art », appellation où la notion de « voyous de l’art » est très clairement audible.

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© Chim↑Pom

Cette conception de l’art comme guérilla est très importante : elle fait pendant, elle fait pièce, et même je dirais qu’elle met en pièces, au moins partiellement, une autre conception de l’art qui était largement dominante avant Fukushima : celle du Cool Japan  ou de la cute culture (pardonnez-moi de parler anglais tout d’un coup mais, et ce n’est pas un hasard, c’est dans cette langue que majoritairement elle s’exprime). C’est-à-dire un art à la fois mignon et exubérant, rempli de formes rondes et souriantes, de couleurs à la fois fraîches et un peu fades, entre le criard et le pastel, et totalement connecté à un marché de l’art international fondé sur le consumérisme, la spéculation et les produits dérivés (mugs, t-shirts, figurines animées…). C’est cette ludification de l’art, dont le symbole le plus connu est Murakami Takashi (dont le talent personnel n’est pas remis en cause, nous parlons ici d’un système dont il n’est qu’un des piliers), qui est remise en question par l’irruption d’un art qui n’est plus centré sur l’exploitation esthético-commerciale de la culture, mais va se trouver propulsé selon de nouveaux modèles de création, de production et de diffusion dans l’espace public.

Je parle d’irruption, mais on pourrait aussi parler de retour : cet art retrouve en effet une veine fondamentale de l’art japonais (celle de l’avant-garde des années 1960 par exemple, Akasegawa Genpei [voir Michaël Ferrier, « L’école d’observation de la rue », dans le Vocabulaire de la Spatialité japonaise, sous la direction de Philippe Bonnin, Masatsugu Nishida et Shigemi Inaga, CNRS, 2014, consultable en ligne sur le site Tokyo Time Table : « La Naissance des Tomason », https://www.tokyo-time-table.com/akasegawa],ou celle plus récente d’Aida Makoto, dont Chim↑Pom se revendique très explicitement, et que nous avons aussi interrogé dans ce livre). Il se caractérise aussi, et c’est essentiel, par des modes de financement et d’exposition très différents, sur lesquels nous revenons à plusieurs reprises dans le livre.

Mais je ne voudrais pas terminer sur ce point en réduisant tout « l’art de Fukushima » à ce sillage, même s’il marque une accentuation importante sur la scène de l’art contemporain. Ce qui me frappe en effet, à côté et en même temps que ce retour en force tonitruant des « artivistes », c’est que beaucoup d’artistes qui évoquent Fukushima le font en évitant les pièges du sensationnel. Même un artiste comme Nawa Kôhei, qui a décidé de ne pas se laisser bousculer par le 11 mars 2011 en établissant une connexion avec cette actualité dont il nous dit qu’il la juge trop « facile », a tout de même été affecté par l’événement – et en a tiré des œuvres magnifiques, comme Force ou Direction, que nous reproduisons dans le livre. C’est une véritable lame de fond, qui possède des crêtes parfois très hérissées mais soulève aussi beaucoup de problèmes en profondeur.

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© Nawa Kôhei

Quelle est pour vous l’importance du travail photographique de Kawakubo Yoi ?

Tout à fait essentielle. Voilà l’exemple-type d’un artiste qui a changé assez profondément de pratique au moment de Fukushima (même si une analyse plus précise relèverait aussi des continuités). Comme il l’explique lui-même, il s’intéressait plus au côté esthétique qu’au côté social, mais à partir du 11 mars 2011, il va s’efforcer de relever « une sorte de défi » : « comment créer des œuvres d’art qui seraient liées à la société d’une manière ou d’une autre, sans perdre leur caractère artistique et tout en étant utiles à la fois. » C’est particulièrement marquant quand vous regardez ses paysages marins d’avant Fukushima : un travail techniquement très au point, sublime à tous les sens du mot, avec des lignes très pures, très claires, qui mettent en valeur la beauté du monde, son évidence, à partir de ces fantastiques paysages côtiers (Okinoshima, Mitsuke-jima) qu’il a su magnifier comme personne. Dans certains cas, cela va jusqu’à l’abstraction :  quand vous regardez The Waterfront #3 par exemple, qui date de 2009, c’est presque un Nicolas de Staël (en moins brouillé, en plus classique) ou un Rothko. En revanche, prenez, cinq ans plus tard, en 2014, la série The New Clear Age : le travail technique est toujours impressionnant de maîtrise et de sensibilité, mais la focale a changé. Regardez sa photographie de la Centrale nucléaire de Fukushima Daini par exemple : non seulement le nucléaire a fait son entrée dans le cadre, évidemment, mais surtout cela s’accompagne par un travail très différent sur les couleurs, les halos, procurant une sensation de trouble, d’inquiétude, de hantise qui n’était pas présente auparavant. C’est un très grand artiste.

Dans le même genre, et au même niveau d’excellence, on peut aussi mentionner le travail d’Ohmaki Shinji : avant la catastrophe, il avait fait une série intitulée Echoes-Crystallization. On y voyait par exemple une œuvre intitulée Happiness in Everyday Life où, sur les murs d’une pièce, il déposait de la poudre de cristal et du liquide correcteur, créant une grande sensation féerique pour les spectateurs qui s’y aventurent. « Le bonheur dans la vie quotidienne », comme l’indique le titre, en 2008 [On peut la voir sur son site : http://www.shinjiohmaki.net/portfolio/echo-crystallization/echoes_-crystallization-_en.html]. En 2012, très significativement, il reprend le titre de cette série mais en le modifiant : Echoes-Crystallization cède la place à Echoes-Re-crystallization (2012). Une reprise donc, mais aussi une transformation : de nombreux motifs floraux font alors leur apparition sur un sol pavé de marbre faiblement éclairé, qui mettent en valeur des espèces végétales menacées. Dans le même temps, Ohmaki crée aussi Black Weight, cette œuvre formidable que nous avons choisie comme couverture du livre : une énorme masse noire occupe désormais le centre de la pièce, des cordes qui pendent du plafond et font penser (par leur titre même : Black Weight/Black Rain) aux pluies noires radioactives qui avaient suivi les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. La grande féerie blanche a laissé la place à une gravité nouvelle.

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© Ohmaki Shinji

Comment présenteriez-vous le documentaire expérimental Asahiza, de Fujii Hikaru ?

Asahiza est un film sur lequel il a commencé à travailler en 2013, deux ans après la catastrophe. Je préfère le laisser le présenter lui-même, tel qu’il le fait dans le livre, et j’y ajouterai une petite remarque : « Dans ce film, j’organise un voyage touristique : un bus de 50 personnes qui viennent de Tokyo, et d’un peu partout. Ce tour en bus les emmène jusqu’à Fukushima, Minamisôma, puis Haramachi, où il y a une salle de cinéma. C’est l’un des plus vieux cinémas de la région, qui date de 98 ans, et en même temps l’un des plus proches de la centrale nucléaire de Fukushima. J’emmène alors les 50 personnes voir un film sur ce cinéma : sur son histoire, comment il a été construit, sa situation, sa trajectoire depuis cent ans. En fait, mon travail est d’organiser avec l’art un espace où les gens se rassemblent, réfléchissent… (…) J’aime bien créer de cette manière les conditions d’un débat : un lieu pour voir un film, mais aussi un lieu de rencontre. »

J’aime beaucoup cette manière de travailler de Fujii Hikaru, sa perspective. Il travaille non pas seulement sur Fukushima mais à partir de Fukushima, et avec Fukushima. Ici, avec les habitants de la région et pour eux, au service de notre humanité commune. Il s’agit de « ne surtout pas décrire Fukushima comme une ville de l’altérité », mais « montrer qu’en fait, ce n’est pas leur histoire, c’est aussi notre histoire. »

Cela me touche d’autant plus que, lorsque j’ai écrit Fukushima, récit d’un désastre (Gallimard, 2012), c’est exactement ce que j’avais en tête : montrer Fukushima d’un point de vue personnel bien sûr (et les œuvres de Fujii ont une grande singularité), mais une singularité qui est en situation d’échange et d’interaction permanentes avec les habitants. Fukushima nous concerne, nous concerne tous. Je récidive d’ailleurs dans ce livre, Dans l’œil du désastre, où nous nous mettons littéralement à l’écoute d’artistes qui, eux-mêmes, se trouvent ou se placent dans une profonde relation d’empathie avec les gens de Fukushima.

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© Fujii Hikaru

Marc Pallain et Hélène Lucien, dont j’ai présenté le travail dans L’intervalle en septembre 2016, poursuivent-ils aujourd’hui encore leur réflexion sur les dangers de l’invisible ?

Oui, et leur regard critique sur leur propre travail est devenu impressionnant : on en a un écho dans le livre, où ils reviennent abondamment dessus. Comme je l’ai dit plus haut, Fukushima est un marqueur, un marqueur de notre époque, mais aussi, très souvent, un repère dans la vie de chacun d’entre nous : ceux qui se sont coltinés directement avec la catastrophe n’en sont pas ressortis indemnes. Leur vie (personnelle, professionnelle), leurs pratiques, leur rapport aux autres en ont été bouleversés.

Comment la Nantaise Marie Drouet aborde-t-elle la problématique Fukushima ?

L’exemple de Marie Drouet est différent (elle n’a pas été exposée directement à la catastrophe), mais à bien des égards éclairant. Elle était en France en mars 2011 et recevait des images du photographe japonais Chihiro Minato. Après s’être posé la question de savoir comment trouver un équivalent plastique de la catastrophe, elle a choisi de retravailler les photos de paysage de Minato à partir de ces images reçues par Internet, en basse définition, de qualité assez pauvre donc (alors que Minato est un des plus grands photographes japonais contemporains), avec ses pixels et ses imperfections. Il y a beaucoup d’éléments intéressants dans son travail, qui recoupe dans ses caractéristiques principales de nombreux projets des artistes de Fukushima : l’utilisation d’un matériau « pauvre » par exemple, mais paradoxalement plus apte à figurer cet évènement sidérant.

Il y a aussi le recours à une technique très ancienne. Au lieu d’utiliser sa technique habituelle, l’aquarelle, elle a en effet décidé d’opter pour l’encre acrylique, et surtout pour la technique au sel. Elle explique très bien dans le livre comment cette technique photographique très ancienne (le tirage au sel d’argent, découvert par Henri Fox Talbot en 1835) lui a permis, de manière paradoxale, d’inventer quelque chose de neuf.

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© Marie Drouet

Est-ce également de cette manière que vous comprenez l’utilisation du daguerréotype par Arai Takashi ? Vous évoquez une forme de réouverture du temps.

Tout à fait. Arai opte pour sa part pour une technique qui nous fait remonter pratiquement aux origines de la photographie : le daguerréotype. Je ne peux ici qu’inciter les spectateurs à se pencher sur ces œuvres magnifiques, que j’ai assez longuement analysées dans une conférence au Musée du Louvre [Voir Michaël Ferrier, « Fukushima ou la traversée du temps », revue Esprit, N°405, juin 2014, p. 33-45], et redire ce  que j’en conclus dans Dans l’œil du désastre : « Il est tout à fait étonnant de constater que, dans le cas d’Arai avec le daguerréotype, comme dans le vôtre (Marie Drouet) avec la technique au sel, on a recours à des formes anciennes, voire archaïques, de la photographie. Comme si la catastrophe de Fukushima, dans ses implications les plus modernes, avait rouvert la voie à d’anciens modes de perception, de représentation ou de réalisation, dont on avait un peu perdu de vue jusque-là le potentiel créateur. C’est une des leçons de la catastrophe : le « progrès », ou ce que nous désignons comme tel, ne passe pas forcément par une trajectoire linéaire toujours tendue vers l’accumulation ou le dépassement : il peut aussi se concrétiser par le retour à des formes et à des techniques ancestrales, reprises et retravaillées selon des modalités inédites ou dans une perspective inouïe. Quand on voit les daguerréotypes d’Arai, on se dit qu’on est en face d’une œuvre incroyablement moderne. Quand on voit les bâtiments éventrés de la centrale, qui fuit de partout, et le ballet des décontaminateurs qui grattent le sol à la pelle et au râteau comme de simples terrassiers, on se dit qu’on est en face d’une vieillerie technologique presque cocasse dans sa vétusté même, symbole de manières de penser poussiéreuses qui ont atteint sous nos yeux, le 11 mars 2011, leur date de péremption. Fukushima fait d’une certaine manière trembler, en art comme ailleurs, les frontières de ce qui est ancien ou moderne, vieux ou neuf, nouveau ou dépassé. » (Dans l’œil du désastre : créer avec Fukushima, p. 156-157).

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© Arai Takashi

Le livre comprend également quatre grands entretiens avec des dramaturges. Comment le théâtre français depuis Fukushima a-t-il pensé le nucléaire ?

Je tenais à cette partie sur le théâtre, car c’est un art qui me paraît en communication profonde avec ce qui se joue à Fukushima : le rapport au corps, si fort, si intense dans les spectacles que nous évoquons, la nécessité de trouver de nouvelles modalités d’exposition, l’inventivité qu’il faut y déployer, la mise en relation également avec le grand peuple des spectateurs, son énergie, sa vitalité. De ce point de vue, les quatre troupes théâtrales dont nous évoquons les performances (Brigitte Mounier et la Compagnie des Mers du Nord, la Compagnie Jacques Kraemer, Yoann Moreau et la Compagnie Jours Tranquilles et Bruno Meyssat et ses Théâtres du Shaman), sont très dissemblables : certains reprennent des mythes grecs (comme le disent assez les titres : Kassandra Fukushima, Médée/Fukushima), d’autres ne croient pas du tout à cette référence mythique et préfèrent se tourner vers une documentation abondante (Bruno Meyssat) ou vers des textes littéraires contemporains (Brigitte Mounier). Comment les dramaturgies contemporaines peuvent-elles nous aider à comprendre les catastrophes et particulièrement ce qui se passe à Fukushima ? Ces quatre entretiens très riches me semblent apporter des réponses tout à fait passionnantes.

 C’est un sujet très peu traité, sur lequel ce livre apporte enfin quelques pistes de réflexion. Je rappelle que le lien entre le théâtre et le nucléaire est quasi-originel. Dès juillet 1986, Vladimir Gubarev avait écrit une pièce de théâtre intitulée Sarcophage sur la catastrophe de Tchernobyl. Cette pièce a été traduite en anglais par Michael Glenny et représentée à Londres par la Royal Shakespeare dès 1987. Elle a connu 23 éditions entre 1986 et 1992, dans 6 langues différentes. Elle est depuis peu disponible en français, grâce au travail de traduction d’Yves Lenoir, et n’attend plus qu’une compagnie de théâtre s’y intéresse enfin. Dans une note préliminaire, Gubarev raconte les conditions dans lesquelles il avait écrit cette pièce : en tant que rédacteur en chef scientifique de Pravda, il avait été envoyé à Tchernobyl début mai 1986 pour la revue littéraire Znamya (le supplément hebdomadaire de Pravda), qui lui demande un texte, de n’importe quelle longueur et dans n’importe quel genre. Gubarev a alors cette remarque tout à fait intrigante : « La seule chose à laquelle je ne m’attendais pas, c’est que le rapport de ce voyage d’information prendrait la forme d’une pièce de théâtre. Une tragédie. Le genre s’est imposé » (traduction Yves Lenoir). À la grande surprise de Gubarev, c’est le théâtre qui s’impose, dès le début, pour évoquer ce genre de catastrophe. Pourquoi ? Parce que c’est une « tragédie », sans aucun doute. Mais il y a peut-être d’autres réponses, que le livre Dans l’œil du désastre : créer avec Fukushima esquisse dans ces quatre entretiens très fouillés.

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© Hélène Lucien & Marc Pallain

Depuis la construction de votre livre, avez-vous découvert d’autres artistes pouvant relever de la « génération Fukushima » ?

Oui. J’en ai découvert avant, pendant et après la composition du livre. Ce qui est normal puisque, comme je l’ai expliqué plus haut, celle-ci s’est développée sur plusieurs années. Il faut bien comprendre que l’événement nommé « Fukushima » a transformé l’ensemble de la scène artistique japonaise et, par-delà, considérablement influencé le monde de l’art en général. Il y a largement de quoi faire un 2e volume. Plutôt que de vous donner des noms d’artistes (il y en a beaucoup que j’aime et dont je n’ai pas encore parlé), je suggèrerai au moins trois pistes, qu’un prochain livre pourrait développer : d’abord l’importance des femmes, non pas pour céder à la mode d’une étude « genrée », mais parce qu’il y a véritablement à mon sens des artistes femmes dont on ne parle pas assez et qu’elles portent des voix tout à fait remarquables sur ce sujet. Deuxième direction que j’aimerais suivre, la question des interactions entre les arts, de leur hybridation, qui n’est pas propre à l’expression de Fukushima mais y trouve des échos remarquables, en même temps que de nouvelles collaborations possibles entre l’art et la science, qui sont déjà un peu esquissées dans ce volume. Enfin, un aspect qui me passionne et que j’ai déjà commencé à traiter en ce qui concerne la littérature par exemple [Voir « Les écrivains du corail – ou d’une nouvelle arborescence – possible et souhaitable – dans la réception de la culture japonaise contemporaine », introduction au livre Paris-Tokyo-Paris: détours par le Japon, sous la direction de Fabien Arribert- Narce, Kohei Kuwada et Lucy O’Meara, Paris, Honoré Champion, 2016, p. 12-24 et, en anglais : « France-Japan: The Coral Writers », Contemporary French & Francophone Studies, Volume 21, 2017 – Issue 1: France-Asia, p.8-27.], c’est l’émergence d’un art véritablement transfrontalier : là encore, de par la nature même de la contamination radioactive notamment, qui ne connaît pas les frontières, « Fukushima » peut amener des coopérations ou des échos qui ne se réduisent pas à un simple décloisonnement temporaire mais dessinent un réseau complexe et passionnant de nouvelles formes de créativité, d’identité et de résistance, d’appartenance et de désobéissance – et qui ne se réduisent pas, j’y insiste, à l’internationalité du marché de l’art. Dans le grand renfermement qui s’annonce, c’est une grande leçon de vie : cela permet en outre de penser l’art contemporain non plus seulement en termes de production, de communication et de consommation (ces termes qui s’insinuent partout, y compris dans les études artistiques, et voudraient s’imposer comme l’horizon indépassable de notre époque), mais en termes de partage et de circulation, et de commencer à réfléchir sur les multiples créations qui s’articulent aujourd’hui en même temps à plusieurs univers de référence, y compris dans l’archipel japonais.

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© Akira Kurosawa

L’accident nucléaire de Fukushima est-il devenu le corium, exprimé ou non, de toute votre œuvre ?

Je n’y avais pas pensé : c’est une métaphore intéressante. Vous savez que le corium est un magma constitué d’éléments fondus du cœur d’un réacteur nucléaire, et qu’il absorbe tout ce qu’il trouve sur son trajet. C’est une force irrésistible, qui emporte tout sur son passage : on peut donc penser, comme vous le suggérez, que la catastrophe nucléaire de Fukushima, dans l’ampleur et la variété de ses effets, condense et fournit de quoi nourrir mon travail pour tout ce qu’il me reste de temps à vivre, et qu’elle serait ainsi devenue le cœur brûlant de ce que vous appelez mon œuvre.

Mais à la réflexion, la réalité est plus complexe : dans la dizaine d’années qui nous sépare du 11 mars 2011, je me suis au contraire efforcé de ne pas me laisser absorber tout entier par cet accident, ce qui était encore une manière de s’y confronter, mais en échappant à son emprise. Mon premier livre après Fukushima, récit d’un désastre a ainsi opéré un virage assez sensible, puisqu’il s’agit de Mémoires d’outre-mer, en 2015 – alors qu’il aurait été facile d’exploiter le « filon Fukushima » (certains ne s’en sont pas privés !). Ensuite, en 2018, François, portrait d’un absent, qui retrace une puissante histoire d’amitié avec mon ami le cinéaste François Christophe. Enfin, en 2019, Scrabble, l’histoire de mon enfance tchadienne, avec l’évocation d’un mystère au moins aussi profond qu’un corium : la présence constante de la guerre dans la bataille de l’humanité – et, dans ma vie, dès l’enfance. Si Fukushima continue – et vraisemblablement continuera – à nourrir toute une part de mon travail (il s’agit tout de même d’un événement considérable dans l’histoire de l’humanité…), d’autres pistes me retiennent, qui ne lui sont pas réductibles ni même toutes directement reliées : l’état social et politique de mon pays par exemple, la France, ou bien encore une réflexion sur le geste de l’art. De ce point de vue, le livre Dans l’œil du désastre : créer avec Fukushima, au moins autant qu’un livre sur Fukushima, constitue peut-être avant tout une grande interrogation sur les pouvoirs de l’art, et le rôle qu’il devrait ou pourrait jouer pour rendre notre monde un peu plus libre, un peu plus vivant, un peu moins irrespirable.

Propos recueillis par Fabien Ribery

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Dans l’œil du désastre, Créer avec Fukushima, sous la direction de Michaël Ferrier, avec la participation de Hervé Couchot, Amandine Davre, Elise Domenach, Bénédicte Gorrillot et Clélia Zernik, Éditions Thierry Marchaisse, 2021, 274 pages – 125 illustrations

Editions Thierry Marchaisse

Michaël Ferrier – Gallimard

Bibliographie sélective :

Michaël Ferrier, Fukushima : Récit d’un désastre, Gallimard, 2012

Michaël Ferrier, Penser avec Fukushima (sous la direction de C. Doumet et M. Ferrier), éditions nouvelles Cécile Defaut, 2016

Michaël Ferrier, François, portrait d’un absent, Gallimard, 2018

Michaël Ferrier, Scrabble, Mercure de France, 2019

Michaël Ferrier, Naufrage, sur la pandémie de Covid-19, collection « Tracts », Gallimard, 2020

Michaël Ferrier et Kenichi Watanabe, Notre ami l’atome, Gallimard, 2021

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Se procurer Dans l’oeil du désastre

2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Barbara Polla dit :

    Merci à tous deux, Fabioen et Michaël, pour cet extraordinaire article et toutes les richesses visuelles et intellectuelles qu’il contient

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  2. Barbara Polla dit :

    Merci à tous deux, Fabien et Michaël, pour cet extraordinaire article et toutes les richesses visuelles et intellectuelles qu’il contient !

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