©Kourtney Roy
Il faudra un jour sérieusement s’interroger, mais avec bienveillance, il va sans dire, sur la santé psychique de la photographe Kourtney Roy.
Car, franchement, est-ce que l’on fait cela si l’on a toute sa raison ?
Est-ce que l’on produit The Tourist (André Frère Editions, 2020) si l’on ne rêve inconsciemment de passer de l’autre côté du miroir, ou de l’écran de cinéma, et d’incarner à son tour les stéréotypes les plus éculés de la réussite des parvenus en leur moment de terribles vacances ?
©Kourtney Roy
Est-ce que l’on porte des petites robes moulantes orange ?
Est-ce que l’on a les bras et les jambes si lisses, et les ongles si longs ?
Est-ce que l’on arbore avec tant de fierté une chevelure peroxydée ?
Est-ce que l’on pose ainsi façon starlette embijoutée sur un transat au bord d’une mer évidemment chaude, très chaude ?
©Kourtney Roy
Est-ce que l’on magnifie à ce degré d’obscénité naïve les hommes en slips slim, musclés, bronzés, huilés, tatoués et moustachus ?
Est-ce que l’on manque à ce point de retenue d’afficher ainsi la réussite des capitalos, alors que dehors, dans les ghettos de pauvres, le peuple compte les quelques kopeks qu’il lui reste pour finir de boucler le mois ?
Est-ce que l’on s’affiche ainsi en hors-bord avec tant de morgue ?
Est-ce que la fiction est tellement désirable qu’il faille en surjouer les codes ?
©Kourtney Roy
Des piscines, des peaux tirées, des épilations intégrales.
Du soleil, des lunettes de plongée, des cocotiers.
Mais, qui est cet homme en costume gris au regard de tueur ? Pourquoi ce ciel menaçant ? Que fait ici un iguane ?
Tout est parfait, le paradis est bleu turquoise, les drinks sont top, but but but.
Tiens, une brouille, un conflit, un différend impossible à masquer.
©Kourtney Roy
Tiens, un regard de mélancolie dans l’utopie d’une French Riviera éternelle.
Des beaux gosses comme chez Gregg Araki, des olives dans un petit bol, l’ennui des Bienheureux.
L’artiste se déguise, se grime, s’autoportraiture littéralement et dans tous les sens de la mise en scène de soi.
Son meilleur ami ? Un flamant rose gonflable.
Sortez les sourires à dix mille dollars, les pailles à suçoter le curaçao, les monstres ont envahi la ville du soleil inépuisable.
©Kourtney Roy
Des vieux riches, des poules en or, des yachts, un steak cru dans une assiette vert céladon.
Des émotions en aluminium, un vélo d’appartement dans le jardin, des talons hauts au bord de la piscine.
L’écoulement d’un ice cream un jour de canicule.
Tout bien pesé, Kourtney Roy est-elle vraiment dingue ?
Absolument oui mais non, manifestant bien au contraire une grande santé nietzschéenne dans un monde à bout de souffle, d’imagination et de désirs, ce qui est très réjouissant.
Kourtney Roy, The Tourist, texte Del Barrett, design João Lineu, André Frère Editions, 2020, 132 pages
©Kourtney Roy
André Frère Editions – The Tourist