Corps de guerre, gestes d’art, par Mylène Besson, peintre

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©Mylène Besson

Si le livre/exposition Les femmes qui rient (Regard – Editions Marie Morel, 2018) était solaire, impertinent, joyeux, le nouvel opus de Mylène Besson, La Guerre, Dommages collatéraux, Redresser les morts, est douloureux, terrible, tragique, la vie étant à considérer en ces deux dimensions extrêmes de la condition humaine, d’allégresse et d’effroi.

Répondre à la violence et à l’insupportable par l’art.

Redonner un corps de papier – à l’échelle un – aux martyrisés, aux suppliciés, aux innocents.

Exposer la terreur pour ne plus en subir l’effet de paralysie, transformer la peur en actes, la sauvagerie en geste de sauvegarde.

La Guerre coupée

©Mylène Besson

La guerre est là, Polemos dirige le monde, mais il y a, quelque part, solitairement, d’humbles travailleurs cherchant encore à témoigner de la beauté, et de la dignité humaine.

Mylène Besson montre des corps enchevêtrés, des enfants, des visages d’hommes et de femmes unis dans la même mort.

Le papier est marouflé sur toile, il y a des plis, des lignes brisées, de la vie.    

Il faut régulièrement refaire Les désastres de la guerre et Guernica, c’est épuisant, mais il le faut.

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©Mylène Besson

Il faut, comme Zoran Music au cœur du gouffre, prendre son crayon ou son pinceau et plonger au cœur du mal, de l’impossible.

Il n’y a pas de tour d’ivoire où se réfugier en fermant les yeux, l’art n’est pas un caisson étanche, mais une porosité supérieure, une peau suprêmement sensible.

La fresque des gisants composée par Mylène Besson est en noir et blanc, et nuances de bruns, comme la terre qu’il faut jeter sur les défunts afin de les apaiser.

On ne saura pas quel est le nom de ces êtres massacrés, de tous âges, parce qu’en chacun repose la mémoire d’une humanité blessée, terrorisée, niée, et qu’ils sont unis dans un même cri de paix contre la soldatesque et les bombes ne cessant de pleuvoir, ici, là, à la façon des effets d’une malédiction antique.  

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©Mylène Besson

Il n’est plus possible, ou presque plus, d’écouter la radio, de lire les journaux, d’ouvrir le navigateur de son ordinateur, mais il faut encore, à quelques-uns, pour soi, pour tous, chercher les chemins de vérité, et s’y tenir hardiment, sur la brèche.

La société des amis du crime, se nourrissant de salissure morale, efface les visages, que le fusain et la pierre noire sauront rétablir en leurs traits d’irréductible.

Dans son journal d’atelier, Mylène Besson écrit : « Dessin des morts : / Travailler chaque personnage de papier / Sérigraphier des motifs sur chacun / puis les enduire de liant pour les durcir »

Les morts sont des silhouettes blanches, des papiers découpés, des corps flottant sur la banquise craquelée de l’Histoire.

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©Mylène Besson

Tout est épouvantable, et pourtant il y a une grâce, surtout pas par effet d’esthétisation, mais parce que le tombeau est démesuré, comme chez Le Tintoret.  

Mais soudain, chacun se détache, devenu papier coloré, linceul fleuri.

« Les couleurs, motifs presque décoratifs, analyse Isabelle Roussel-Gillet, capitonnent les tombeaux de papier, comme les malles d’un autre voyage. »

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©Mylène Besson

L’artiste cite aussi à plusieurs reprises le poète Bernard Noël.

Lui qui écrivit si bien sur la Commune de Paris connut également les fleuves de sang, et l’art d’exorcisme.

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Mylène Besson, La Guerre, Dommages collatéraux, Redresser les morts, textes Mylène Besson, Bernard Noël, Philippe Piguet, Isabelle Roussel-Gillet, Regard – Editions Marie Morel (Ain), 2021, 110 pages

Mylène Besson – site

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©Mylène Besson

Marie Morel – site

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Barbara Polla dit :

    « Transformer la sauvagerie en sauvegarde »
    À tenter chaque jour.

    J’aime

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